A l’assaut des nettes rousses !

Fin avril 2025, dans une belle lumière de fin de journée, nous nous rendons dans un site naturel très préservé du nord de l’Isère qui alterne étangs, bosquets et prairies sèches. A cette saison, pluies printanières aidant, les zones ouvertes sont tapissées de fleurs en tous genres : boutons d’or, orchidées… et magnifiques pulsatilles rouges ! Je n’en ai jamais vu autant qu’ici, nous sommes visiblement venus au pic de leur floraison.

Je n’avais le choix qu’entre un 300mm f/4 ou un petit zoom 12-45 f/4 pour photographier les fleurs. Le 300 s’en est mieux sorti, même si ce n’est pas l’objectif idéal pour ce genre de photo « proxi » !
300mm – f/4 – 1/1000s – ISO 200 © Richard Holding / Oeilsauvage.fr

Ce lieu est aussi réputé pour abriter la discrète et menacée cistude, seule tortue d’eau douce autochtone de France, qui trouve ici tout ce qu’il lui faut pour se développer : de l’eau pour s’alimenter et se reproduire, et des prairies pour pondre. Après 20 minutes de marche discrète, les sens tout en éveil, nous la trouvons enfin, notre petite tortue, au bord de l’eau, se prélassant au soleil !

Je garde mes distances, pour ne pas l’effrayer, et tente une approche très lente, “caché” derrière mon 300mm f/4 que j’ai associé avec un doubleur de focale, justement pour pouvoir la photographier sans trop m’approcher. Comme elle se trouve au sol dans une petite cuvette, cela m’empêche de trouver un bon angle pour l’isoler de l’arrière-plan. Je me contente donc d’une belle photo d’observation naturaliste ; pour une première rencontre avec l’animal, je ne vais pas trop en demander non plus !

Mais à mesure que je m’approche d’elle très lentement, accroupi par terre, mon regard est distrait par un autre animal, à ma gauche, dans l’étang. Je tourne délicatement la tête et me rends compte que je suis à bonne distance d’une magnifique nette rousse*, un canard de surface qu’on ne croise pas non plus tous les jours !

Le temps de faire deux-trois belles photos, je me rends compte qu’entre temps, la cistude a dû en profiter pour plonger dans l’eau… Nous décidons donc de nous mettre à l’affût, cachés derrière un filet installé dans la végétation au bord de l’étang, au cas où le petit reptile pointerait à nouveau le bout de sa carapace. 

En scrutant aux jumelles cette petite étendue d’eau sauvage, nous recensons un héron cendré, quelques colverts, un fuligule milouin et un couple de nettes rousses. Il y a aussi, là-bas, une foulque macroule qui pousse quelques petits cris, de temps à autre.

Après 20 minutes à observer tout ce petit monde vaquer tranquillement à ses petites occupations, une scène assez étonnante se produit devant nos yeux. Alors que deux nettes nagent en notre direction, la foulque, qui les poursuit silencieusement à quelques mètres, fonce droit sur les deux canards, bien décidée à les attaquer !

Quelle mouche l’a donc piquée ? On se dit que peut-être qu’elle a un nid, dans le secteur, et qu’elle cherche à protéger ses petits… Ce qui est tout de même curieux, face à des canards totalement inoffensifs qui préfèrent (nettement !) manger de l’herbe et des algues que des brochettes d’oisillons !

Une foulque se cache sur cette image, sauras-tu la retrouver ?
© Oeil Sauvage / Richard Holding – 600mm – f/8 – 1/1000s – iso 1250

Toujours est-il que la foulque semble avoir une véritable dent contre ces canards, car pendant plus d’une heure il nous est donné droit d’assister à plusieurs attaques similaires…

Attention, bateau pirate en approche…
600mm – f/4 – 1/1000s – ISO 2500 © Richard Holding / Oeilsauvage.fr

Le scénario est toujours à peu près le même : les nettes nagent tranquillement dans l’étang, la foulque cachant bien son jeu, quelques mètres derrière. Si parfois elle passe sans rien dire, à d’autres moments elle se prend d’une folle envie d’aller attaquer du canard ! Elle accélère alors le rythme de sa nage pour se rapprocher des nettes (ces dernières, qui connaissent son petit manège, accélèrent alors elles aussi leur nage), puis, sans crier gare, elle lance la deuxième phase de l’offensive : ailes déployées, elle s’extirpe lourdement de l’eau pour courir littéralement à la surface, propulsée par ses puissantes pattes palmées. Ce qui n’est pas sans semer la panique chez les anatidés !

A droite, le fuligule milouin. Pas une espèce visée par la foulque !
300mm – f/4 – 1/1600s – ISO 6400 © Richard Holding / Oeilsauvage.fr

Heureusement pour les canards, l’issue est toujours la même : ils parviennent toujours à s’envoler avant que la foulque n’arrive à leur hauteur… Qu’a t-elle à gagner à ce petit jeu, Mme Macroule ?

Une deuxième nette se cache sur cette photo, sauras-tu la retrouver ?
600mm – f/4 – 1/1600s – 6400 ISO © Richard Holding / Oeilsauvage.fr

Pas grand chose : si les nettes s’éloignent bien de quelques dizaines de mètres, elles finissent toujours par revenir dans le même secteur comme si de rien était !

Si elle n’a pas de nid à défendre, peut-être qu’elle veut simplement expulser tout étranger pour profiter du lac pour elle toute seule, allez savoir…

Coupe de nettes se délectant de spaghettis de verdure ! #romantisme
600mm – f/4 – 1/800 s – ISO 2500 © Richard Holding / Oeilsauvage.fr

Peine perdue : les nettes ne se laissent pas impressionner, et ont bien l’intention d’y rester, sur l’étang ! On les observe mettre la tête sous l’eau pour cueillir quelques végétaux à grignoter.

Tout à coup, à trois mètres de notre cachette, un magnifique grèbe castagneux sort de nulle part pour s’immobiliser quelques secondes dans une somptueuse lumière. J’ai juste le temps de pointer mon objectif sur lui avant qu’il ne plonge et disparaisse sous l’eau !

Le plus petit des grèbes… et sans doute aussi le plus mignon ! Pas trop eu le temps de réfléchir à la meilleure des compositions, ici, donc le cadrage est resté très centré sur le sujet principal. 600mm – 1/800s – f/8 – 6400 ISO
© Richard Holding / Oeilsauvage.fr

Avec le soleil vient ensuite la pluie, ce qui crée une belle ambiance pour nous qui sommes orientés vers le couchant.

Côtés réglages, j’ai opté pour une vitesse de 1/500s pour mieux caractériser le rideau de gouttes qui tombent.
Prise à 600mm, avec une ouverture de f/8 à 1250 iso © Richard Holding / Oeilsauvage.fr

Ayant fait le plein du spectacle offert par la foulque et les nettes, et ne voyant plus apparaître de tortues, nous décidons de partir avec l’idée de peut-être revenir dans quelques jours.

Pour terminer la petite série sur les nettes rousses, voici l’une de mes photos préférées, sous une légère pluie, où j’ai pu immortaliser ce moment juste avant que le mâle ne se mette « debout » dans l’eau pour battre des ailes.
600mm – 1/1000s – f/8 – 5000 ISO © Richard Holding / Oeilsauvage.fr

Cinq jours plus tard, nous reviendrons en effet exactement au même endroit, mais sans la même réussite. Toutefois, en repartant par la prairie, nous surprendrons cette fois un lièvre, ses grandes oreilles trahissant sa présence dans les hautes herbes.

Plutôt que de s’enfuir tout de suite, le lièvre aime bien faire la statue pour ne pas se faire repérer… Une technique pas très efficace avec les humains ! 300mm f/4 – 1/200s – ISO 1250 © Richard Holding / Oeilsauvage.fr

Notre présence aussi, est trahie, exposés que nous sommes ici sans aucun buisson ou tronc d’arbre pour nous dissimuler et attendre tranquillement qu’il se rapproche de nous ! Tant pis pour le portrait serré, je me contenterai de cette petite photo de l’animal dans son milieu, prise d’assez loin.

Et voilà la fin d’une histoire qui aurait pu s’intituler – si les observations s’étaient faites un autre jour et dans un autre contexte -, le lièvre et la tortue !

Vous aimez les canards ? Vous aimerez alors peut-être cette autre histoire, de juillet 2023, consacrée aux harles bièvres !

https://oeilsauvage.fr/bizarres-canards/

* la nette rousse (Netta rufina) figure hélas, comme tant d’autres oiseaux d’eau, parmi les espèces dont la chasse est autorisée en France…

Les émotions ça se partage !

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