Grande et belle oie originaire d’Amérique du Nord, la bernache du Canada a été importée par l’homme en Europe dès le XVIIe siècle pour ornementer les jardins et satisfaire les jeux des chasseurs. Comme tant d’autres espèces déplacées par l’homme, la bernache s’est (trop) bien adaptée à son nouveau milieu, et d’espèce exotique, la « chum » des Canadiens est progressivement devenue l’invasive des Européens et même, depuis 2016, la nuisible des Français… pour la plus grande joie des férus de la gâchette.
Qu’elle soit considérée par les humains comme exotique, élégante, invasive, nuisible ou autre, la bernache reste une bernache, c’est-à-dire un grand oiseau multicolore qui a besoin comme n’importe quel être vivant de se nourrir. Et si elle provoque des dégâts dans les cultures, des pollutions dans les cours d’eau ou que sais-je, faut-il pour autant la tenir pour responsable ? Vu qu’elle n’a que peu de prédateurs naturels (en France les renards sont aussi des « nuisibles », chassés, déterrés, massacrés à longueur d’année), les bernaches se développent naturellement, et ce sont donc les chasseurs qui se chargent de les « réguler ».
Dans mon village eurois, depuis deux ans j’ai vu beaucoup plus d’humains (et de pollution humaine) que de bernaches, et même aucune bernache depuis le printemps 2017. Il y a par contre beaucoup de cygnes tuberculés qui se nourrissent dans les champs en bord de Seine, des cygnes qui eux, sont classés espèce protégée. Du moins pour l’instant…
Tout ça pour vous dire que des bernaches, j’ai eu la grande joie d’en revoir il y a quelques jours, sur un grand étang à la sortie de mon village ! Evidemment, je n’ai pas appelé l’ONCFS pour qu’ils débarquent avec leurs fusils, non, je suis resté plutôt discret sur l’affaire et ce n’est pas un fusil mais un appareil photo que j’ai sorti de mon sac. De toute façon, ces oies sont loin d’être discrètes, leur cri si caractéristique trahit tout de suite leur présence.
Je me promenais dans une zone un peu sauvage faite d’étangs, d’herbes hautes et de bosquets où j’ai l’habitude de vadrouiller, silencieusement, car il y a toujours quelque chose à voir (ou à entendre). Martin-pêcheur, piverts, hérons, cormorans, grandes aigrettes… Et dernièrement, des bruants jaunes. C’est d’ailleurs pour eux que j’étais là, ce matin-là, j’en avais surpris un au sommet d’un buisson pendant mon jogging quelques jours auparavant – je suis passé à moins de deux mètres de lui ! Il était posté là, jaune comme un citron bien mûr, magnifiquement éclairé par les rayons du soleil matinal.
Cette fois-ci, hélas, je n’ai pas réussi à m’approcher à moins de 30 mètres, trop loin pour la photo. Tant pis ! C’est alors que je les ai entendues, puis vues, loin au-dessus de moi – trois belles oies bernaches ! Je tente une photo mais elles sont encore loin, et à contre-jour. Je pense qu’elles m’ont vu, et que je dois les faire peur, car elles changent de direction. Mais non, elles virevoltent à nouveau, perdent de l’altitude, et passent à ras du sol à environ 100 mètres de moi avant de se poser avec fracas sur la surface de l’étang des chasseurs, sur lequel flottent plusieurs appelants en plastique…
Cet étang-là, je ne veux pas trop m’y approcher, je me contente donc de cette belle observation en vol. Mais très vite, je me rends compte qu’un autre petit groupe de bernaches flotte tranquillement à ma gauche sur un autre étang, celui des pêcheurs ! Je m’avance doucement jusqu’au bord de l’eau, sans faire de geste brusque pour ne pas les effrayer, et je m’accroupis pour mieux observer la scène. Je suis heureux de voir qu’elles voguent dans ma direction ! J’ai tout mon temps pour tenter quelques photos de type « affût flottant », c’est-à-dire en plaçant l’appareil le plus bas possible au dessus de l’eau. L’écran modulable me permet de viser sans regarder dans le viseur. Le soleil est pleinement au rendez-vous, les oies s’avancent avec grâce et légèreté, leur robe grise, blanche et noire somptueusement mise en valeur dans cette lumière matinale encore rasante. Une scène magique qui durera plus de 5 minutes. Mais je ne suis pas au bout de mes surprises…
Les photos en boîte, je décide de rentrer tranquillement à la maison, mais à peine ai-je fait 50 mètres sur le chemin qui passe entre les deux étangs qu’un nouveau cri de bernaches se fait entendre, dans le ciel encore – je le comprend tout de suite, elles viennent rejoindre leurs copines dans l’eau ! Comme je les ai repérées suffisamment en avance, j’ai tout le temps pour modifier les réglages de l’appareil, et espérer prendre quelques belles photos en vol. Chose faite et bien faite !
Moi qui n’avait pas vu de bernache depuis un an, je repars heureux, très heureux… mais avec une once d’inquiétude tout de même, car je sais de la bouche d’un ami qu’un autre groupe de bernaches avait été trucidé par les garde-chasses, précisément sur ce étang, l’hiver dernier…
Un peu de rêve dans ce monde carré-bossu 🙂 merci
merci à vous d’avoir lu ! 🙂
Ton site est vraiment génial Richard…à la fois magnifique et passionnant ! Je regrette juste de n’avoir que mon téléphone pour voir tes photos, ça mériterait un écran géant… Ça me donne idée d’un concert -expo écologique 😀 ps: ils balancent pas des genre de produits pour stériliser les oeufs des cygnes? On m’a parlé de ça….
un grand merci Clémence pour ces commentaires encourageants, ça me fait plaisir de savoir que j’ai des lecteurs dans ce monde de zapping où les gens ne prennent souvent plus le temps de lire ! J’approuve totalement l’idée du concert-expo écolo, il y a vraiment quelque chose à créer là !
après le plaisir de voir une belle buse variable j’ai tourné les pages …. pour arriver chez les bernaches que j »aime beaucoup et pour apprendre qu’elles sont chassées !!!!!!!………… je me suis régalée à vous lire et avec les photos l’espoir revient merci et bravo !!!!
PS j’ai changé d’adresse email suite à un piratage
Merci beaucoup Dominique ! Oui, les bernaches font malheureusement partie des ces espèces exotiques importées par l’homme… Pourtant, elles ne font pas plus de dégâts que les cygnes, qui sont protégés, eux. Allez comprendre !