Les sangliers restent dans le bois

Au cœur de la forêt, je me suis souvent fait grogner dessus. Un bruit sec, court, mais assez sonore, qui émane des fougères, orties et autres broussailles… Cela fait sursauter ! Autour de soi, des silhouettes indéfinies se dispersent,  bousculant feuilles et branches…

L’adrénaline monte rapidement, surtout quand on est seul, loin de tout et de tout le monde. Car on a tous entendus parler de laies enragées ou de mastodontes énormes qui foncent à toute vitesse sur des promeneurs pour protéger leur petite famille ! Tenez, il y a quelque mois des chasseurs victimes de morsures ont dû être secourus par hélicoptère, dans les Pyrénées…

C’est le soir et le matin que l’on croise le plus souvent les sangliers. Mais celui-ci, caché dans les fougères, s’est montré en plein jour ! © Oeil Sauvage / Richard Holding

Mais moi qui ai attendu 2018 avant de voir de près des sangliers sauvages en pleine nature, chaque nouvelle rencontre a eu une saveur particulière – mélange d’excitation palpitante et d’anxiété légère… C’est parfois jouissif, paradoxalement, de se sentir en danger ! Disons que je me suis toujours dit que je courais plus vite qu’eux, que j’étais champion de saut en hauteur, au collège (en technique ciseaux !), et que s’ils venaient à charger, j’aurais toutes mes chances de les éviter.

Celui-ci n’est pas un petit format. Occupé à se nourrir, par chance il ne m’a pas vu… © Oeil Sauvage / Richard Holding

En fait, les quelque 5 ou 6 fois que j’ai croisé le chemin de sangliers cette année, cela s’est très bien passé. Parce qu’ils ont peur des hommes, en général. Il faut dire qu’ils sont malmenés, les pauvres.  Ils n’ont pas bonne réputation, en France, car ils sont en surnombre dans de nombreuses régions, et ils provoquent pas mal de dégâts dans les champs, les parcs, les pelouses… Ils sont aussi la cause d’accidents de la route. Mais ce que les chasseurs se gardent bien de dire, c’est qu’ils ont leur part de responsabilité dans l’histoire. On raconte qu’ils ont fait des croisements avec les cochons domestiques, dans les années 80, que certains se sont échappés, et que la majorité des sangliers qui évoluent dans le pays aujourd’hui ne sont pas génétiquement purs ; on parle de « cochangliers », qui se reproduisent trois plus plus souvent que les sangliers pure race. 

Vadrouille en famille après l’orage ! Retrouvez la vidéo de cette scène plus bas dans l’article © Oeil Sauvage / Richard Holding

Aussi, comme les chasseurs aiment tout contrôler et voient d’un mauvais œil les grands prédateurs  (lynx, loups, ours…), on se retrouve dans de nombreuses régions avec de larges populations de sangliers qui n’ont pas de prédateurs naturels. D’où les grandes battues qui impliquent des dizaines de cow-boy en costume orange fluo tous les week-end d’automne et d’hiver, qui prennent en otage les autres usagers de la forêt (promeneurs, vttistes, photographes…).

Deux rencontres mémorables…

Dans cette histoire, je voulais m’attarder sur deux rencontres qui m’ont particulièrement marqué, me procurant dans les deux cas de belles émotions naturalistes et photographiques.

Le 28 juillet 2018 d’abord, jour où j’ai connu mon plus beau face à face avec une harde de sangliers. Ou plutôt avec la mère de famille – tous les jeunes s’étant vite enfuis dans les sous-bois. Je marchais silencieusement à petits pas sur un chemin forestier très peu fréquenté, « armé » de mon appareil photo, tous les sens en éveil, préparé à dégainer à la moindre occasion.  Malgré mes précautions, eux je ne les ai pas vus. J’ai été surpris par un gros grognement suivi de vibrations dans le sol et de bruissements de feuilles – devant moi à 20 mètres, à droite, à gauche, des silhouettes basses sur pattes s’éparpillent dans tous les sens et disparaissent rapidement dans les broussailles. Reste une belle laie, droite dans ses sabots, qui me fixe intensément du regard.

Une belle tête, non ? Et ce « V » blanc sur le groin… On s’imagine des cochons touts noirs, mais non ! © Oeil Sauvage / Richard Holding

Je n’ose bouger d’un poil ! Elle grogne une fois, deux fois. C’est à celui qui tiendra tête à l’autre le plus longtemps. Si je renonce, je dois faire demi-tour, et mon chemin sera beaucoup plus long… Je patiente donc, faisant autant de photos que possible, tout en me tenant prêt, au cas où elle se déciderait à charger. Mais après 10… 15 secondes qui m’ont paru durer des minutes entières, c’est elle qui cède, et qui part en grognant. Quelle émotion ! 

© Oeil Sauvage / Richard Holding

La deuxième rencontre mémorable de l’année 2018 a eu lieu le 12 septembre, au soir. Je m’étais rendu à un endroit précis de la forêt pour écouter, et éventuellement photographier, le brame des grands cerfs. Sur le chemin du retour, il n’y a presque plus de luminosité quand devant moi, à quelques mètres, des sangliers traversent le chemin, sans me voir. Je m’accroupis tout de suite et ne bouge plus. Il fait vraiment sombre… L’un d’entre eux s’approche dangereusement de moi, mais il ne me voit pas, ne me sent pas. Il est à 5 mètres à peine, derrière un arbre… Il s’arrête, renifle – il doit me sentir, enfin ! 

La taille énorme du groin du sanglier ne finira jamais de m’impressionner… © Oeil Sauvage / Richard Holding

Le fait qu’il s’immobilise est une excellente nouvelle pour le photographe que je suis, car il me laisse une chance de lui tirer le portrait, même si l’auto-focus galère pas mal dans ces circonstances. Dans la série de photos que j’arrive à réaliser, plusieurs s’avèrent être nettes, et je suis particulièrement heureux de celle-ci, qui donne l’impression que l’on jouait à cache-cache ! 

Il m’a observé d’un oeil, mais je ne suis sûr s’il a compris que j’étais un humain, vu que j’étais accroupi, caché derrière mon boîtier © Oeil Sauvage / Richard Holding

Parfois, les sangliers sortent aussi du bois…

J’ai titré cet article « Les sangliers restent dans le bois », car c’est dans la forêt que je les ai le plus souvent rencontrés, et bien photographiés. Mais il m’est tout de même arrivé d’en apercevoir courir dans les champs, tôt le matin ou tard le soir. Mon plus beau souvenir fut ce soir d’été, après un orage d’après-midi – beaucoup d’animaux étaient de sortie ce soir-là, après l’accalmie. J’étais en voiture lorsque j’ai vu gambader dans une vaste prairie toute une famille de sangliers, de toutes les tailles et de toutes les couleurs ! J’étais assez loin d’eux, ce qui fait que j’ai préféré immortaliser ce moment sympathique en vidéo.

N’hésitez pas à laisser des commentaires, si vous avez des questions à poser / des remarques à faire !

Les émotions ça se partage !

9 thoughts on “Les sangliers restent dans le bois

  1. Eugénie says:

    Génial ! Dans les Cévennes où ils sont fortement représentés (et issus de ces fameux croisements avec les cochons noirs des chasseurs) on les appelle les sanglochons. Alors qu’une laie sauvage fait 1 ou 2 petits par portée, ils se sont alignés sur le cochon domestique et font des portées beaucoup plus nombreuses et « retournent » volontiers vers les hommes (c’est à dire nos jardins et potagers) pour se nourrir… ou se faire dézinguer la tête par les hommes aux gilets orange fluo dont ils font le bonheur, hélas…

  2. Sylvie Bourdel says:

    Bonsoir Richard !
    Encore une belle aventure avec les sangliers, sanglochons et cochangliers ! Merci, c’est toujours un grand bonheur de te lire. Tu as donc migré vers d’autres horizons… alors je te souhaite de bonnes et belles nouvelles rencontres. Bien cordialement.
    Sylvie

  3. Clémence Lévy says:

    Génial ! Quel joli reportage !!!
    A la fois simple, touchant et magique! On est dans le ‘songe d’une nuit d’été …j’adore !
    J’avais déjà lu cet histoire de croisement avec le cochon domestique mais je ne savais pas qu ils avaient du coup des portées beaucoup plus nombreuses !
    Et pas étonnant du coup qu’ils soient moins farouches aussi…
    Mais avec toi, ils n’ont montré aucune agressivité, contrairement à la légende répandue ! Du coup tu n’as pas pu tester ton ciseau – barbelé 😉

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