Mi-mars. Je suis à la campagne, dans la maison où j’ai grandi, à la frontière entre la Charente et les Deux-Sèvres. Nous sommes au début du confinement et l’inquiétude frappe de plus en plus fort à la porte. Les informations relatives à la pandémie du Covid 19, toujours plus alarmistes, font prendre conscience à l’humain de son extrême fragilité : ce n’est pas aujourd’hui qu’il retournera sur la lune !
Dehors, le nouveau printemps pousse inexorablement l’hiver vers les annales de 2020. C’est une chance, quelque part, que le calendrier de la crise sanitaire coïncide avec celui de l’Eternel Retour : les journées s’allongent, l’astre diurne grimpe plus haut dans le ciel et les premières touches de vert apparaissent dans les arbres nus. Les oiseaux chantent ! Je m’amuse à compter le nombre d’espèces différentes qui fréquentent le jardin, puis dans les alentours immédiats du village. Par chance, le fameux rayon d’un kilomètre qu’on se doit de respecter m’emmène à travers une variété de champs, bois et prairies.
Pics épeiches, bruants zizis, tariers pâtres, alouettes des champs, busards St Martin… Chaque jour, ma liste d’espèces s’allonge. Puis arriva cette journée ensoleillée de début avril lorsque, sortant sur le pas de la porte d’entrée, un drôle d’animal ailé me passa nonchalamment au-dessus de la tête : une huppe fasciée !
Je suis en joie : c’est un oiseau que je rêve de photographier depuis des années. Mon petit doigt me dit que mon moment est arrivé. Chaque année, depuis au moins 3 ans, un couple de huppes revient au printemps faire son nid dans le mur de la maison voisine (inoccupée). Toujours la même loge. Hélas, je n’étais jamais là pour en profiter.
Je ne traîne pas, et m’installe un affût de fortune au coin du jardin. En à peine 5 minutes, je vois débarquer une huppe ; la crête toute sortie, elle se pose sur le fil électrique à quelques mètres de la loge, dans une superbe lumière. Malgré un perchoir peu photogénique, j’ai une super occasion de lui tirer le portrait.
Des fils, ce n’est pas ce qui manque dans ce petit bout de village pourtant si bucolique par ailleurs… Pendant les 6 semaines suivantes passées à documenter la vie du couple, j’ai eu toutes les peines du monde à éliminer du cadrage fils, gouttières, tuiles, murs et autres cheminées ! Située sous le toit sur une façade de maison entre un volet en plastique et un fil d’antenne, il faut dire que la loge ne pouvait pas être plus anti-photogénique, et aucun angle de prise de vue ne permettait d’avoir en fond le moindre petit bout de verdure…
J’ai vite compris que ce n’était pas à la loge que j’allais faire mes photos les plus esthétiques. J’ai donc passé beaucoup de temps à observer les huppes pour savoir où elles se rendaient pour chasser. Par chance, en fin d’après-midi, elles avaient tendance à se poser directement dans la pelouse devant la maison. Plusieurs tentatives d’approche se sont avérées fructueuses, même si parmi les photos, beaucoup de déchets – c’est que les huppes sont souvent en mouvement, tête baissée à planter leur long bec dans le sol à la recherche de larves ou d’insectes, et qu’il est bien rare qu’elles lèvent la tête pour faire une petite pause !
Quand elles ne sont pas au sol, les huppes peuvent aussi se poser quelques instants en hauteur, sur une branche d’arbre…
… ou une table de pique-nique.
Voire même sur un chariot en plastique !
Et puis il y a eu la bataille. Une prise de becs entre David et Goliath. Goliath la huppe voulait vivre sa vie, mais David le pinson en avait contre lui.
J’ai vite compris que le pinson se sentait menacé, on ne sait trop pourquoi, lorsque la huppe chassait à proximité du nid de sa dulcinée. Un sentiment de fin du monde devant la flamboyance d’une crête d’origine aussi extraterrestre ? Toujours est-il que j’ai été témoin de superbes passes d’armes entre ces deux oiseaux si différents, mais à photographier, ce fut une toute autre paire de manches !
L’autre grand défi que je me suis donné, c’était de réaliser quelques photos des huppes en plein vol, mais dans un décor 100% végétal. Pour cela, il m’a fallu étudier le plan de vol des oiseaux. Un plan souvent hasardeux, mais qu’il était malgré tout possible d’anticiper à peu près, à condition d’être patient…
Ma meilleure chance était d’attendre sur la route, avec l’appareil pointé en direction du jardin des voisins. De là, je savais que je pouvais voir arriver les huppes droit dans ma direction, mais avec à peine 4 ou 5 secondes pour viser, cadrer… et shooter ! Après, il faut faire confiance à l’autofocus de l’appareil. Mais on a beau faire tout comme il faut, avec une réactivité de pilote de Formule 1, l’exercice est vraiment difficile, surtout avec un oiseau aux mouvements fantasques et papillonnants.
Hélas, la photo la plus nette que je suis parvenu à faire depuis cet affût n’est pas exactement celle que j’avais en tête (puisqu’on voit un poteau et une gouttière en arrière-plan !), mais j’en suis très heureux malgré tout :
J’ai également pu faire quelques photos avec la huppe partant dans le sens opposé, notamment celle-ci :
C’est aussi depuis cet affût (je n’étais pas vraiment caché, juste habillé en couleurs camouflage, bob sur la tête, et adossé contre un mur) que j’ai eu l’immense surprise de voir une huppe sortir de la loge et se poser… à 3 mètres devant moi, en plein milieu de la route ! Elle m’a regardé du coin de l’oeil pendant 2 ou 3 secondes, mais comme je faisais la statue, elle a vite vaqué à ses petites occupations : chasser des vers dans l’herbe au bord de la route.
Retour à la loge. La seule façon que j’ai de mettre un peu de vert dans mon cadre, est de me tenir loin, très loin ! Je mets ma plus longue focale, et je trouve une trouée végétale dans un arbre situé entre moi et la loge. Les possibilités de créativité sont limitées, mais je m’en sors avec deux ou trois photos un peu plus originales qu’un simple mur.
L’aventure avait commencé début avril, à quelques mètres de la loge. Autour du 8 mai, je décide de revenir faire un affût de proximité, malgré les éléments parasites mentionnés plus haut. C’est tout de même pas mal de pouvoir documenter l’arrivée à la loge des huppes en plein vol, le bec plein de friandises.
Reste à observer les mini-huppes qui, à l’heure où j’écris ces lignes, sont toujours confinées au fond de leur loge. Les verrais-je sortir la tête du mur ? Prendre leur envol ? Pour le savoir, ne manquez pas de me suivre dans les prochains jours sur ma page Facebook Oeil Sauvage !
En espérant que ce petit récit illustré vous a plu, n’hésitez pas à me laisser un petit commentaire, j’y répondrai avec plaisir. A très vite !
Désolées. Il faut que j’écris en anglais. Richard, I really enjoyed not only following the progress of your study in pictures but also in words ( a delight to read ) and look forward to seeing les bébés when they emerge. It ‘s exciting stuff and the last photo is breathtaking. Thank you. Marion
Merci very much Marion ! I will for sure let you know if I manage to see and take photos of les bébés 🙂
Richard,
Je reste, comme toujours, pantoise 😮 face à ta patience, ton savoir et ta capacité à surprendre en douceur ces animaux si vifs que sont les oiseaux 🐦 … Je ne crois avoir jamais « vu » celui-ci, peut-être l’ai-je croisé sans savoir qui il était… Le bonheur du confinement est justement que les oiseaux se font moins sauvages, (re)prennent leur place. Plus que deux jours avant que les dingues en bagnole et autres criards ne viennent les perturber dans leurs gracieux ébats… Merci encore pour ce moment de bonheur 💖
Un grand merci Agnès pour ce message très sympa. Oui, de la patience il en faut… de l’entêtement surtout ! 🙂 La faune sauvage aura vécu sa plus belle reproduction depuis des années. J’ai un peu peur de l’après-confinement, mais espérons que les gens soient un peu plus sensibilisés qu’auparavant à toute cette beauté qui nous entoure…
Sacré Richou ! Bien joué, magnifique piaf dont les photos en vol ne courent pas les rues. Les photos avec la maison en fond sont aussi esthétiques et cela fait partie de son habitat après tout ! A bientôt en Rhône-Alpes Auvergne, région autrement plus wonderful ! 😉
Héhé, merci JPP ! 🙂 Sympa ton message. Oui, il faut se rendre à l’évidence : la huppe est un oiseau de village, donc faut composer avec le décor. Tout de même 46 espèces d’oiseaux observé ici depuis la mi-mars, mais loriots et guêpiers manquent encore à l’appel.
Magnifique reportage ! De superbes oiseaux et de superbes clichés très variés…
Merci pour le voyage…
merci chère Clémence !! See you very soon, j’espère 🙂
Comme d’habitude tu nous enchantes par ton récit et tes photos.
La huppe, une pure merveille malheureusement exceptionnelle dans notre coin de Normandie. Surveille bien la sortie des jeunes: les parents devraient continuer à les nourrir: un véritable enchantement, je t’envoie par mail une photo prise en Espagne.
Merveilleux! ça valait la peine de revenir au bercail n’est ce pas?