Les chevreuils sortent du bois

Faon, chevreuil, cerf, chevrillard, daguet, biche, chevrette, brocard… Pas évident de s’y retrouver, au début, quand on s’intéresse aux cervidés de nos bois et forêts ! Et pourtant, seulement deux espèces cohabitent en France : les cerfs et les chevreuils. Aujourd’hui je vais vous parler du plus petit des deux, le chevreuil, et plus précisément des brocards et des chevrettes. La chevrette est le chevreuil femelle, le brocard le mâle. Comme chez leurs grands cousins les cerfs, seuls les mâles possèdent des bois. Les biches sont les femelles des cerfs, et elles sont presque dix fois plus lourdes que les chevrettes ! Et le daguet ? C’est un jeune cerf, dont la ramure est encore peu élaborée. Quant aux faons, ce sont les rejetons des chevreuils mais aussi des cerfs, tandis que les chevrillards sont des faons de chevreuils presque adolescents – vous suivez ? 🙂

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] Une mère et son petit de l’année, croisés juste avant l’ouverture de la chasse, en septembre 2017, dans l’Eure. © Oeil Sauvage / Richard Holding
Les chevreuils donc. Un sujet particulièrement sympathique pour le photographe débutant, car relativement « facile » à aborder, et pour lequel il n’est pas forcément nécessaire d’avoir une très longue focale. Les chevreuils sont présents à peu près partout dans les campagnes françaises, dans les zones qui alternent bois, champs, prairies et fourrés, et il n’est pas rare de le croiser par surprise, à certaines heures clés, lorsqu’on est au volant de sa voiture, traverser les petites routes de campagne ou gambader dans les cultures.

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] J’étais en voiture, à un croisement, lorsque j’ai vu cette chevrette sortir du colza et traverser la route ! En fin de journée, au mois d’avril 2018 © Oeil Sauvage / Richard Holding
On peut aussi bien sûr surprendre le chevreuil en se promenant dans les bois, car lui aussi fréquente les sentiers et chemins d’exploitation – mais ne vous attendez pas à ce qu’il reste planté là devant vous malgré tout ; le chevreuil, comme toutes les espèces chassées par l’homme, est très craintif, et il n’hésitera pas à déguerpir en moins de deux à la moindre alerte de sécurité ! Avec ses longues pattes toutes fines et athlétiques, il se propulse dans l’air et bondit allègrement tel un kangourou au-dessus de nombreux obstacles – haies, clôtures, souches d’arbres… – ce faisant, il aura tout loisir de vous montrer – plutôt que ses beaux grands yeux noirs – son joli derrière tout blanc, que l’on surnomme « miroir ».

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] Une de mes toutes premières photos de chevreuils, au petit matin le 21 août 2015 au sud des Deux-Sèvres. Mon approche n’avait pas été assez discrète ! © Oeil Sauvage / Richard Holding
Pour photographier les chevreuils, le tout est donc d’arriver à les approcher sans les effrayer. Pour cela plusieurs solutions existent. Sachez qu’il est tout à fait possible de les photographier aux quatre saisons de l’année, mais en automne et en hiver l’espèce est mise à rude épreuve par les chasseurs, mieux vaut donc essayer de ne pas les stresser davantage, et prendre toutes les précautions pour minimiser leur dérangement.

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] En automne et en hiver, le pelage des chevreuils change de couleur, en passant d’ocre-orangé à un gris plutôt terne. Quand il n’y a plus de feuilles sur les arbres, cela les aide à se dissimuler dans les sous-bois. Ici un brocard, croisé le 17 mars 2018, dans une forêt euroise. © Oeil Sauvage / Richard Holding

1. L’affût fixe

La technique la plus « éthique » est clairement l’affût fixe. C’est aussi celle qui demande le plus de préparation, si vous ne voulez pas vous rouler les pouces pendant des heures sans apercevoir le moindre bout de poil ! Les chevreuils ont un territoire finalement assez peu étendu, et comme les humains, ils entretiennent une certaine routine – ils sortent de leur cachette boisée à peu près à la même heure, après le coucher de soleil (parfois même avant), et choisissent souvent de dîner dans les mêmes parcelles de luzerne, betteraves, blé, etc.

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] Le 28 juin 2017, j’avais posé ma tente-affût aux abords d’un champ. Je n’ai pas attendu longtemps avant de voir sortir des cultures cette mère et son petit qui, au bout de quelques minutes sont venus droit sur moi en courant ! © Oeil Sauvage / Richard Holding
Votre affût bien placé (en lisière de bois), à contre-vent (très important !), dans lequel vous entrerez à des horaires bien calculés (une heure avant le coucher de soleil), peut offrir des instants d’observation naturalistes vraiment magiques, avec des animaux détendus car ils ne se douteront pas de votre présence. Si par malheur ils vous voient, ou vous sentent, ils n’hésiteront pas à s’enfuir, parfois en aboyant, et ne reviendront (peut-être !) que plusieurs heures plus tard – mieux vaut donc partir et remettre l’affût à un autre jour, inutile d’insister !

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] Même jour que la photo précédente, ici un brocard tout fou qui pourchasse une femelle ! Un peu tôt pour la saison des amours, qui a habituellement lieu au mois d’août. © Oeil Sauvage / Richard Holding

2. L’approche

Une autre technique (celle que je préfère), est l’approche. Cette technique présente surtout l’avantage de la mobilité, permet de s’adapter plus facilement à la scène tout en augmentant les possibilités de créativité (par exemple, si vous apercevez des chevreuils à travers la végétation, se déplacer de quelques centimètres peut complètement changer la qualité de flou de premier plan).

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] 19 avril 2017. J’ai n’ai pas été assez discret en approchant ce brocard, qui s’est douté de la présence d’un être peu ordinaire caché dans les broussailles ! Je suis resté aussi immobile que possible, et lui aussi, quelques secondes, avant qu’il ne s’éloigne de quelques dizaines de mètres © Oeil Sauvage / Richard Holding
Tout comme pour l’affût, mieux vaut bien connaître le terrain sur lequel vous vous aventurez, pour ne pas déranger inutilement les animaux. L’idée est de se fondre dans le paysage (vêtements assortis à la végétation, cagoule & gants pour masquer les parties blanches de la peau) et d’avancer (toujours à contre-vent !) le plus silencieusement possible sur le territoire de présence des chevreuils, en scrutant régulièrement les alentours aux jumelles.

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] Lorsqu’on a le vent dans le dos, les chevreuils peuvent parfois s’approcher très près de vous sans vous sentir. Ici une chevrette en novembre 2018. © Richard Holding / Oeil Sauvage
Gardez bien en tête que les chevreuils ont un odorat et une ouïe bien plus performants que celle des humains, et qu’ils sauront toujours mieux se cacher que vous !

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] 16 septembre 2017. Moment magique. Seulement 5 mètres entre cette chevrette et moi, qui suis passé cette fois totalement inaperçu ! © Oeil Sauvage / Richard Holding
Ils ont aussi une très bonne vue, mais tant que restez immobiles sans sourciller, il se peut que vous passiez, de façon assez étonnante, totalement inaperçus – il m’est déjà arrivé d’être à 20 mètres d’une chevrette (debout et plutôt bien en évidence !) et d’avoir croisé son regard (photo ci-dessous), mais curieusement, après quelques secondes elle a fini par décrocher et continuer sa vie comme si de rien était…

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] 15 mai 2017. Contrairement à ce que peut laisser penser la photo, il faisait sombre dans les sous-bois ce soir-là, ce qui explique peut-être pourquoi cette chevrette ne m’a pas clairement identifié ? Juste après, elle est partie en marchant comme si c’était normal pour elle de croiser un drôle de tronc d’arbre en plein milieu du chemin ! © Oeil Sauvage / Richard Holding
Une fois vos photos effectuées, il faut tenter de repartir aussi discrètement que quand vous êtes arrivés, ce qui, selon les situations, n’est pas toujours évident.

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] Ce jour-là, au fond des bois (septembre 2017), j’avais eu la drôle de sensation que quelqu’un ou quelque chose m’observait… Un coup d’oeil dans les jumelles et que vois-je à travers les feuilles, mais ce superbe chevrillard ! Il est resté complètement immobile, ce qui m’a permis de viser à travers la végétation pour lui tirer le portrait. Je suis ensuite parti rapidement pour ne pas l’effrayer, mais il n’a pas bougé d’un poil ! © Oeil Sauvage / Richard Holding

3. L’affût-voiture

Une troisième technique (moins écolo) est l’affût-voiture. Si vous êtes en territoire rural, avec des toutes petites routes et chemins de terre qui longent les champs, la voiture est très pratique pour repérer plus rapidement et dans une zone plus étendue la présence ou non de chevreuils. Avant de faire des photos, mieux vaut faire des sorties de repérage, sans s’arrêter. Une fois les animaux localisés, vous pourrez revenir le lendemain, et vous garer à des endroits stratégiques.

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] 23 juin 2015 à 22h26… Ma toute première photo de chevreuils en affût-voiture ! Techniquement loin d’être parfait, mais une ambiance crépusculaire que j’aime beaucoup. Je me suis arrêté à leur hauteur et j’ai coupé le moteur ; pensant qu’ils allaient fuir, j’étais étonné de voir qu’il n’en était rien. Passé une certaine heure, dans la pénombre, les animaux sont plus téméraires. © Oeil Sauvage / Richard Holding
Les chevreuils sont assez peu méfiants des véhicules en général, à condition de respecter quelques règles primordiales. Déjà, si vous voyez un animal en bordure de chemin alors qu’il fait encore bien jour, évitez de vous arrêter à 2 mètres de lui, ce qui le ferait évidemment paniquer et disparaître illico presto dans les broussailles les plus proches. Il est important de garder une distance de courtoisie, d’une cinquantaine de mètres minimum, de ne pas accélérer ou freiner brutalement, et surtout de couper phares et moteur, à l’endroit que vous avez choisi pour stationner.

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] 14 juillet 2017. Joli défilé d’animaux ce jour-là, dans l’Eure ! Cette chevrette traversait la route avec son faon, 100 mètres devant moi. Je me suis vite garé sur le côté pour prendre l’appareil – par chance la mère, curieuse, s’est arrêtée 3 secondes pour regarder dans ma direction avant de disparaître dans les fourrés. © Oeil Sauvage / Richard Holding
Il y a une part de surprise et de spontanéité avec cette technique, et j’ai réalisé certaines de mes plus belles photos de chevreuil grâce à l’affût voiture. Bien sûr, la voiture c’est polluant, mais pendant la séance d’affût (qui peut durer un certain temps !) votre moteur est coupé.

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] Synchronisation parfaite… ou sacré coup de chance ! Le 26 juin 2017, je roulais doucement en voiture sur une petite route qui passait entre deux champs lorsque cette chevrette est sortie du blé © Oeil Sauvage / Richard Holding
Je termine cet article en vous renvoyant vers mon album Flickr consacré tout entier à des chevreuils photographiés dans plusieurs départements de France (Loiret, Deux-Sèvres, Charente, Somme, Eure), avec matériel et réglages à chaque fois indiqués.

[^ Cliquez sur la photo pour voir en grand] 25 août 2018 à 22h28. Mr Brocard contemple les dernières lueurs du jour. © Oeil Sauvage / Richard Holding
Comme d’habitude, n’hésitez pas à me faire part de vos remarques, questions éventuelles, et à me partager vos propres expériences naturalistes avec nos chers princes et chères princesses des Bois !

Les émotions ça se partage !

4 thoughts on “Les chevreuils sortent du bois

  1. dominique biancardini cavadini says:

    vous racontez aussi bien que vous photographiez, bravo et merci pour tous ces partages , c’est un vrai régal de nous faire vivre ces aventures avec vous !!

Laisser un commentaire