Qui est-ce qui possède un long bec crochu, ne fait pas coin-coin et s’enfonce jusqu’à 10 mètres sous l’eau ? Certainement pas moi, protesta le canard colvert ! Il a raison Donald, le canard dont je voudrais vous parler aujourd’hui est bien plus atypique et nettement moins répandu… Et par chance, il n’est pas chassable en France, ce qui explique sans doute pourquoi il se méfie un peu moins des humains !
Le harle bièvre, Mergus merganser de son nom scientifique est un oiseau d’eau de la grande famille des Anatidés. Depuis quelques années, il revient spontanément s’installer le long des rivières vives et sauvages, comme la Drôme ou le Chéran, pour le plus grand bonheur des naturalistes.
Ma toute première observation des harles remonte à 2016, dans le Loiret, où un couple survolait un pan de la Loire à toute vitesse. Trois ans plus tard, quelle ne fut pas ma joie lorsque j’ai découvert que ces oiseaux avaient investi la vallée de la Drôme, ma nouvelle région d’adoption !
Par chance, la Drôme est l’une des rares rivières encore véritablement sauvages de France, très peu endiguée et avec de belles portions de forêts alluviales protégées, notamment tout le long de la Réserve naturelle des Ramières. Bref, un habitat plutôt idéal pour les harles, qui se nourrissent principalement de petits poissons et qui ont tendance à nicher dans des cavités d’arbres, pas loin de l’eau.
Si je n’ai pas encore eu la chance de découvrir de telles cachettes, j’ai plusieurs fois assisté à leurs petites sorties familiales sur l’eau, où les petits fraîchement éclos bravent les flots !
Tout en duvet, souvent en file indienne derrière leur mère, les canetons sont à ce stade très vulnérables et il n’est pas rare d’en voir un ou deux égarés, séparés par le courant ou par l’approche d’un prédateur.
Une fois ados, les harles restent regroupés avec leur mère, même s’ils sont à ce stade un poil plus téméraires !
Et puis il y a ces moments de pure magie, totalement inattendus, comme seule la nature sait nous offrir : au crépuscule d’une soirée de mai 2019, j’observais ce petit groupe d’oiseaux traverser la rivière lorsque mon regard fut attiré par une drôle de masse mouvante, derrière eux : un castor ! La photo est sombre et imparfaite, mais le souvenir précieux.
En 4 ans, ce sont clairement les jeunes et les femelles que j’ai eu le plus souvent l’occasion de croiser, et pas seulement sur la Drôme. En voyage dans le Massif des Bauges, à l’automne 2022, j’ai par exemple eu énormément de chance de voir s’arrêter juste en face de mon petit affût improvisé un petit groupe de harles, dont celui-ci qui s’est posté sur un caillou pour secouer ses ailes.
Mais la Drôme reste la rivière où j’ai multiplié les observations de ces drôles de canards, et où je suis parvenu à faire mes photos les plus difficiles. Comme les harles volent souvent au ras de l’eau, souvent à très grande vitesse (jusqu’à 70km/h !), j’avais ce rêve d’essayer de les capturer en images, de plein face. Plusieurs soirs de mai, je me suis donc mis à l’affût sur une portion de rivière de sorte à pouvoir les voir arriver bien à l’avance.
avant de voir arriver ce harle en plein vol ! © Oeil Sauvage / Richard Holding
On a beau les repérer de loin, le suivi via le viseur de l’appareil photo n’en demeure pas moins compliqué, et ils finissent par passer beaucoup plus vite qu’on ne le pense !
Je suis tout de même heureux d’avoir pu capter cette femelle en plein vol, malgré un arrière-plan un peu proche (ce qui empêche de bien isoler l’oiseau dans la photo).
Et le mâle dans tout ça ? Curieusement, ce n’est pas celui que j’ai eu le plus l’occasion de photographier, alors qu’il est pourtant beaucoup plus visible que la femelle avec son plumage majoritairement blanc.
Reste cette rencontre la plus récente, où m’étant mis à l‘affût pour tenter à nouveau des photos des canards en vol, c’est dans l’eau qu’ils sont arrivés, se laissant porter par le vif courant de la Drôme. Le mâle m’est passé tout près, pendant une bonne trentaine de secondes, me laissant tout loisir de bien l’immortaliser !
Les guides le décrivent ayant la tête et le cou de couleur vert foncé, mais il faut vraiment que la lumière soit bonne et être près de lui pour s’en rendre compte, sinon on ne voit que du noir. Plutôt sympa comme bestiole, non ?
…et je ne pouvais pas conclure cette petite histoire de canards par une dernière petite photo surprise. Et non ce n’est pas un harle bièvre ! Il s’agit de son cousin punk, le harle huppé (Mergus serrator), migrateur et beaucoup plus rare dans la Drôme, que j’ai eu l’émotion de photographier lors d’une magnifique journée d’hiver, en décembre 2020 :
Je vous dis à bientôt pour une nouvelle histoire ! (et cette fois-ci, elle sera vraiment consacrée à un petit rapace aux yeux d’or, comme promis à la fin de l’histoire précédente 😉 )