Chevêchettes en cachette

Le trésor d’une vie pour le naturaliste. Une terreur du quotidien pour la mésange… Discrète habitante des vieilles forêts de montagne, la chevêchette est la plus petite des chouettes présentes en Europe (17 cm). Elle est aussi l’une des plus difficiles à observer. Après de nombreuses rencontres au fil des ans avec la chevêche d’Athéna, l’idée de croiser ne serait-ce qu’un fugace instant sa petite cousine sylvestre me hantait obstinément…

Je ne compte pas le nombre d’heures passées dans les forêts les plus propices, à épier silencieusement le moindre trou de pic, comme on achèterait tous les matins un ticket à gratter en se disant qu’un jour on finirait bien par tirer le gros lot !

L’espoir fait vivre… Mais après de nombreuses sorties infructueuses, je me rendis alors à l’évidence que tout seul, je n’y arriverai peut-être pas. Je décidai donc de profiter des conseils avisés d’un ami photographe* qui se spécialise dans cette espèce, en l’accompagnant le temps d’un week-end sur un secteur qu’il connaît bien.

Mars 2023, dans les Hautes-Alpes. Perchée sur la branche d’un vieux mélèze à 2000 mètres d’altitude, la minuscule boule de poils récite son chant ancestral d’une voix frêle et flutée, ses deux pépites d’or plongeant ses observateurs d’un jour dans un émouvant voyage à travers les siècles. C’est que notre petite chouette pygmée, comme l’appellent les Anglais, est une relique de l’ère glacière, sa petite taille et son habitat reculé lui ayant permise d’évoluer loin de toute interférence humaine.

C’est sans doute pour cela qu’elle tolère aussi bien la présence de bipèdes armés de jumelles et autres appareils photos, venus de loin ce jour-là exprès pour l’admirer et l’immortaliser. Car oui, j’ai ENFIN pu observer cette somptueuse petite créature, et vivre enfin ce rêve tout éveillé !

Méfiance, cependant : sous son air mignon et son irrésistible silhouette rondelette, se cache en vérité un redoutable prédateur… non pas des humains, bien sûr, dont la présence semble tout à fait l’indifférer, mais de toute une petite faune des bois ; insectes, rongeurs… et oiseaux, surtout.

Même postée en évidence, il n’est pas évident de la voir… © Oeil Sauvage / Richard Holding

Pinsons, grimpereaux, mésanges, bec-croisés… Tout ce petit monde s’agite, proteste et houspille avec frénésie lorsque se révèle à eux la cachette de la chevêchette !

Lasse, elle finit par s’envoler et se dissimuler dans un arbre touffu pour se faire oublier… Elle ressortira plus tard, à l’heure de la chasse !

Fort de cette première rencontre à marquer d’une pierre blanche, je décide quelques semaines plus tard de prospecter un tout autre secteur, dans la Drôme cette fois, dans une forêt d’altitude qui me semble correspondre à l’habitat des petites chouettes. La forêt est dense, immense, mais maintenant je sais mieux quelles zones prioriser, et quelle saison est la plus adaptée, pour mettre toutes les chances de mon côté.

De fait, la deuxième rencontre ne se fera pas longtemps attendre : voilà qu’un individu se met à chanter dans un sapin tout près de moi ! Mais le sapin est grand, et l’oiseau est haut… et toujours aussi petit.

Ce qui est enthousiasmant toutefois avec ces petites chouettes, c’est qu’elles peuvent rester perchées au même endroit pendant de longues minutes, et comme elles ne sont pas farouches pour un sou, on peut tout à fait changer de place, en évitant tout mouvement brusque, pour tenter de trouver un angle d’observation plus adéquat, poétique, photogénique… Pas gagné pour celle-ci ! Mais je m’estime chanceux toutefois d’avoir pu saisir l’instant précis où elle décida de s’envoler.

Voilà pour ces quelques moments de partage avec le premier des deux plus petits rapaces nocturnes de France. Le second ? C’est le hibou petit-duc, et il a des mœurs complètement différentes (un rapace vraiment nocturne pour le coup, et qui n’a aucun scrupule à nicher dans les platanes en plein centre-ville…) : il se trouve que j’en ai un qui passe l’été à moins 50 mètres de chez moi, mais impossible de le voir tellement il est bien caché !! Je ne désespère pas cependant de le photographier un jour, et que lui aussi ait sa p’tite histoire publiée ici 😉

* Leo Gayola, un artiste-photographe de talent à découvrir sur www.natureauvol.com

Les émotions ça se partage !

Laisser un commentaire