L’ars du faucon

Quoiqu’en pensent le rouge-gorge du jardin ou le moineau d’un parc parisien, certains oiseaux, parce qu’ils sont rares, difficilement accessibles ou terriblement bien camouflés, se méritent incontestablement plus que d’autres. Mais alors, que dire des oiseaux communs que l’on rencontre non pas chez son voisin, mais après des heures de randonnée et 1000 mètres de dénivelé ? Combien de fois ai-je effectivement gravi une montagne, suant jusqu’à la moelle avec le poids du matos photo dans le dos, tout ça pour tomber non pas sur l’ombre du gyapète barbu ou la plume d’un grand tétras, mais bien sur la corneille du champ d’à côté ou le frétillement du rougequeue sur le toit du voisin !

Quand certaines espèces sont inféodées à un biotope bien précis, d’autres s’adaptent avec facilité à toutes sortes de paysages et d’altitudes, du moment qu’elles trouvent de quoi se loger et de quoi s’alimenter. C’est le cas du faucon crécerelle, certainement le rapace le plus commun en France avec la buse variable. Observer un crécerelle en pleine montagne n’a donc a priori rien de surprenant… Sauf quand c’est le faucon qui vous surprend ! Et c’est précisément ce qu’il m’est arrivé en juillet 2023, dans les Pyrénées ariègeoises, et qui valait bien cette nouvelle petite histoire…

Tout a commencé dans la vallée, au départ de la petite bourgade d’Aulus-les-Bains. Nous avions décidé de grimper jusqu’à la célèbre cascade de l’Ars, une curiosité naturelle qui offre un spectacle très prisé des randonneurs, l’été. Le chemin traverse puis suit une rivière et ses énormes galets, avant de s’écarter dans une magnifique hétraie.

La montée se fait raide jusqu’au Pas d’Enfer, puis plus douce jusqu’au pied de la fameuse cascade, après 2 bonnes heures de marche.

La cascade tient toutes ses promesses, même si elle doit être autrement plus impressionnante au printemps, après la fonte des neiges !

On apprécie la fraîcheur des sous-bois et des éclaboussures d’eau, avant de s’attaquer à une nouvelle montée, au-delà de la cascade où la couverture forestière se fait de plus en plus spartiate. Il est encore tôt et nous sommes décidés de faire un peu plus d’efforts ! Le temps de croiser un ours ou deux, ne sait-on jamais…

Arrivés au-dessus de la cascade, nous hésitons devant un sentier plus sauvage, où le balisage s’efface sous une végétation luxuriante. Nous passons un premier étang, un second, puis nous nous arrêtons devant un troisième où nous décidons que le moment est enfin venu de faire une pause pique-nique bien méritée.

On est ici à plus de 1600 mètres d’altitude, et la nature a des allures de paradis : du soleil, des fleurs mauves et jaunes, de l’eau transparente, et pas la moindre construction humaine en vue…

C’est dans ce cadre idyllique que surgit, tout à coup, un rapace. Au cri, j’ai tout de suite compris qu’il s’agissait d’un faucon crécerelle.

Ils sont en fait deux, et ils semblent se chamailler autour de quelque chose sur la paroi rocheuse. Trop loin, trop petits pour comprendre ce qu’il se passe… Je retourne à mon sandwich ! Le temps passe, le soleil brille toujours aussi fort et la sieste n’a jamais été aussi tentante.

Une heure plus tard, mon regard est à nouveau attiré par un oiseau en vol. C’est l’un des faucons, encore, mais cette fois il semble avoir quelque chose dans le bec…

Et là, surprise, au lieu de s’éloigner de nous le voilà qui se rapproche…

Je le perds dans le viseur, il semble avoir disparu derrière un rocher. Attendez… Il est juste là en fait, à quelques mètres au-dessus de l’endroit où nous nous sommes posés pour nous reposer, caché derrière une touffe d’herbe – que nous veut-il ?!

Mais c’est son nid pardi !! Chose incroyable, voilà 1h20 que nous sommes assis là, sans nous rendre compte que nous nous trouvions en réalité sous le nid d’un couple de faucons crécerelles… Un 20 juillet, en plein cœur de l’été, je n’aurais pas pensé que des adultes élèveraient encore leurs jeunes.

Notre présence pacifique et discrète ne semble pas du tout les avoir perturbé, je décide donc de profiter un peu du spectacle et assiste à de belles proximités avec la femelle en plein vol, un malheureux petit lézard des murailles dans le bec.

De notre position on ne voit pas du tout le nid, mais la femelle fait plusieurs aller-retours avec semble-t-il la même proie dans le bec – technique pour essayer d’attirer ses jeunes hors du nid pour qu’ils prennent leur envol ?

Quelle chance incroyable ! Ces faucons étaient les seuls oiseaux qu’on avait pu observer jusqu’à présent de toute la randonnée, et on les a vus dans des circonstances tout à fait exceptionnelles…

L’heure est désormais venu de quitter les rapaces et de regagner la vallée, surtout que le temps commence à se voiler.

Dans la descente, nous croisons de magnifiques lys des Pyrénées, la première fois que je vois ces fleurs endémiques si emblématiques.

Plus bas, nous nous retrouvons sur le GR10 dans une ambiance plus brumeuse, où à chaque virage je me plais à imaginer une rencontre fortuite avec un autre emblème des Pyrénées : l’ours brun ! Ce ne sera pas pour cette fois, mais nous passons tout de même devant un piège photo qui semble être placé pour capter le passage du grand plantigrade.

Il me reste une dernière surprise à vous partager, dans la forêt, tout en bas juste avant d’arriver au village. Un petit passereau forestier bien timide, et qui se fait hélas de plus en plus rare, j’ai nommé le bouvreuil pivoine ! Les quelques fois où j’ai pu observer ce magnifique oiseau, je ne suis jamais parvenu à le photographier comme je l’aurais souhaité. Mais c’est ça qui fait la magie de la photo animalière : rien ne se commande, tout s’improvise !

Cette fois, le bouvreuil mâle se montre bien en évidence sur une branche, mais reste encore loin pour un beau portrait serré. J’aurais un peu plus de réussite avec un juvénile, légèrement moins méfiant !

Pour résumer la moralité de cette superbe journée : faites 5 heures de rando pour voir une espèce commune, sinon restez près du village pour en observer une plus rare ! 🙂

Je vous laisse méditer là-dessus avec cette dernière photo d’un coucher de soleil ariègois.

A bientôt pour une nouvelle aventure photographique !

Les émotions ça se partage !

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