Vous vous souvenez sans doute que j’ai passé le premier confinement entouré d’une avifaune sauvage très variée, entre le couple de huppes fasciées qui a eu l’excellente idée de faire son nid dans le mur de la maison voisine, la petite chevêche qui a élu domicile dans la grange brûlée du voisin d’en face, ou encore les busards saint-Martin, dont le vol rasant au-dessus des champs a ravi mes sorties de fin d’après-midi (histoire à venir prochainement !).
Mais l’histoire du 1er confinement ne s’arrête pas là. Oh non ! Outre les oiseaux, j’ai eu plein d’occasions de croiser le chemin des chevreuils notamment, dans les champs de colza, de blé, ou bien au coeur même des bois. Et puis, celui qui me donne tant de fil à retordre depuis des années : le renard, enfin !
Oui, pendant le confinement du printemps, j’ai enfin pu observer un renard muloter dans une prairie. C’est que depuis mon extraordinaire rencontre imprévue avec des renardeaux dans une forêt euroise (histoire à lire ici), je n’étais pas parvenu à réitérer une expérience photographique aussi émouvante avec cet animal si rusé. Si persécuté, aussi… Considéré à tort comme “nuisible” en France, on estime qu’environ 600 000 sont tués chaque année par la chasse ou le piégeage. Un massacre absurde et injustifié, quand on sait que les renards jouent un rôle sanitaire et écologique de tout premier ordre dans la nature !
Le confinement a apporté un peu de répit bienvenu pour ces petits chasseurs de campagnols, même si (j’en ai hélas des preuves), le piégeage a continué bon train, illégalement, dans certains endroits du pays…
Mais revenons à mon histoire. Et à l’émotion pure que m’a procurée, à quatre reprises différentes, la petite flamme rousse de nos campagnes !
Mon lieu de confinement est un tout petit hameau, au sud des Deux-Sèvres, entouré de cultures agricoles et de parcelles boisées entrecoupées d’innombrables petites routes et petits chemins bucoliques. Mais il manque deux choses dans ce petit coin de paradis où j’ai grandi : de l’eau, et des prairies. Le premier ruisseau est au-delà du kilomètre autorisé, quant aux prairies, elles se sont raréfiées avec l’abandon de l’élevage extensif et développement des cultures céréalières.
Mais il en est une, prairie, toute préservée, en plein milieu des bois, et il me faut 10 minutes à peine pour y accéder à pied. J’attends impatiemment que le paysan passe la faucher. Une prairie fauchée, c’est la garantie d’observer toutes sortes de faune, si tant est qu’on arrive à la bonne heure et qu’on soit bien caché ! Le problème c’est justement la bonne heure : les journées sont très très longues à cette époque de l’année, et il faut que je me tire douloureusement du lit à 5h30 du matin pour mettre toutes les chances de mon côté.
Ce samedi 16 mai, me voilà en chemin, légèrement plus tard que prévu. Pour accéder à la prairie, j’ai le choix entre deux chemins différents. Comme il n’y a pas de vent, je choisis celui qui est le plus proche. Au moment où le chemin donne sur la prairie, je m’accroupis, cagoule de camouflage sur le visage, et j’observe attentivement : à gauche, un renard en chasse ! Il est loin mais je tente tout de même 2 ou 3 clichés en mode silencieux. Mais à peine ai-je pris les photos que le renard disparaît ! Zut, il a dû me sentir… Je suis tout de même très ému de cette première rencontre matinale, et je rentre avec une seule idée en tête : revenir à cette prairie dès que possible !
J’attendrai finalement 48h. Et au lieu du matin, je me décide à sortir en fin de journée, après le télétravail, car avec un peu de chance, je pourrai revoir le renard dans la lumière du soleil couchant. Cette fois-ci, j’opte pour l’autre chemin. Et bien m’en a pris ! A peine suis-je arrivé que je vois un pelage roux fureter dans le foin coupé, à 100 mètres de moi. Il est encore loin, et très proche de la lisière ce qui m’empêche de bien l’isoler du fond, mais il me reste un avantage : il baigne dans la lumière dorée !
Cette 2e rencontre fut beaucoup plus longue. J’ai bien géré ma position par rapport au vent, cette fois, et j’ai pris bien du plaisir à observer le renard chasser et faire des bonds de façon impromptue pour attraper mulots et autres petits rongeurs. J’ai aussi remarqué une chose : après sa chasse, le renard est parti dans la même direction que la première fois. J’en déduis que son terrier doit être dans le bois, de l’autre côté du premier chemin.
Le lendemain, je décide donc de sortir à peu près à la même heure, sur le premier chemin, pour essayer de trouver la coulée. Je marche tranquillement, sans bruit, quand soudain je remarque un animal sur ma droite arriver vers moi : c’est le renard ! Sans faire exprès, je me situe pile dans sa coulée, et je m’en veux de le déranger (il a fait demi-tour à toute vitesse…). Pas la peine d’insister, je rentre à la maison… Mais bonne nouvelle : j’ai compris d’où vient le renard et comment il accède à la prairie !
Le jour suivant, je décide de sortir plus tôt, et de me mettre à l’affût, en lisière de la prairie, à quelques mètres de la trouée du renard. Je suis ébloui par le soleil couchant, et il y a déjà du monde dans la prairie : deux chevreuils… et un chat. J’observe les chevreuils, et au bout de quelques instants, je remarque qu’ils ont un comportement étrange. Ils lèvent la tête et regardent dans ma direction, alors que je suis bien caché et à bon vent. Ils s’éloignent un peu, semblent craintifs. Et là, sorti de nulle part de la gauche devant ma cachette à 10 mètres à peine, le renard !
Il s’arrête pile dans mon axe, mais ne me vois pas. C’est donc cet animal que regardaient les chevreuils d’un air semi-curieux semi-craintif… Le renard est un prédateur, après tout !
Je ne peux pas bouger et j’ai une focale fixe (pas possible de dézoomer donc !), mais j’ai tout mon temps pour tenter de tirer le portrait du renard que je traque depuis une semaine maintenant, et je me délecte de ce moment comme une formidable récompense de mes efforts pour l’approcher, sans le déranger !
Et cerise sur le gâteau, voilà goupil qui se place pile dans l’alignement avec l’un des chevreuils, tout en bas de la prairie. Me voilà donc avec la possibilité de refaire une photo avec ces deux superbes animaux dans un seul et même plan !
Cette fois-ci, la photo n’est peut-être pas aussi magique que celle faite dans la forêt normande, 3 ans auparavant, mais je souris intérieurement à l’idée que la nature me refait ce cadeau, dans un contexte différent 🙂
Je rentre à la maison, le cœur rempli de joie et de sérénité : la nature, si tant est qu’on ne cherche pas à la maîtriser, est un spectacle gratuit et un réservoir d’émotions infinies !
lovely little tale!
Danke schön !
Encore une histoire captivante Richard !
Merci beaucoup, Paule !