Blanches surprises dans le Dévoluy

Le massif du Dévoluy à l’automne, c’est la promesse de grands espaces ouverts et solitaires, sans skieurs ni randonneurs. Montagnes rocailleuses, pelouses sèches, conifères… et un profond sentiment de tranquillité sur des sentiers qui serpentent vers des crètes interminables. Le ciel est parfaitement bleu, les températures très clémentes, les lumières tournées vers le sud. Tout est aligné pour espérer de nouvelles belles observations : chamois, lièvres, marmottes… et pourquoi pas des loups ?!

Je déchante vite : malgré le retour des moutons dans la vallée, la faune sauvage semble incroyablement discrète par ici… Rien à voir avec les montagnes italiennes visitées 2 ans auparavant avec leur abondance de chamois et de bouquetins : ici tout le monde semble avoir fui ! Non, en réalité, c’est surtout que tout le monde doit se cacher… En particulier la faune à quatre pattes : sur les 4 jours passés dans ces paysages dépouillés, je n’ai observé que deux petits groupes de chamois, très hauts en altitude.

En fait, c’est du ciel que viendront mes plus belles observations pendant ce court séjour, et notamment une « coche » énorme, comme vous le découvrirez à la fin de cette histoire 🙂

JOUR 1

Commençons par le début.

La première journée, nous l’avons d’abord passée dans la vallée en partant de notre logement à pied, avec un petit parcours sans chichi entre mélèzes et prairies. En chemin : mésanges noires et bleues, grimpereau des jardins et tarin des Aulnes.

Et pendant que nous regardons ce beau petit monde, un écureuil noir qui surgit de nulle part !

Noir de pelage, mais roux de nature : ce petit lutin est bel et bien un membre de la famille Sciurus vulgaris, seule espèce d’écureuil présente en France.

En deuxième partie de journée, il nous fallait pousser un peu plus loin, voir ce que ces grandes montagnes avaient de plus sauvage à offrir.

Nous sommes partis à pied d’un col, sur un chemin choisi un peu au hasard. Pas grand chose à nous mettre sous la dent, au début, mais un vide vite oublié grâce à l’exquise lumière de fin de journée !

Après une petite heure d’ascension, nous arrivons à un point de vue qui nous glace par sa beauté lunaire : la Mongolie n’est pas loin ! Et peut-être qu’une panthère se cache là, dans un coin ?

Après plusieurs minutes à contempler cette nature immobile, stoïque, grandiose, nous apercevons se déplacer tout au fond là-bas, très très loin de nous, une petite harde de chamois. Je prends une ou deux photos, pour le souvenir : ouf, il y a bien de la vie, ici !

Le retour à la voiture se fait sur fond de ciel rose, avec pour seule compagnie un faucon crécerelle et un grand corbeau.

JOUR 2

Au deuxième jour, nous nous réveillons avec un grand élan de motivation : la météo est parfaite pour nos envies de conquête ! Décision est prise de partir randonner à la journée.

Après une bonne heure de marche sans rien voir de particulier, nous arrivons à un chouette spot d’observation. L’endroit rêvé pour une première tasse de thé. Et bien nous en a pris : il y a de la vie ici ! On entend plusieurs oiseaux piailler dans les mélèzes et d’autres nous survoler sans que nous puissions les identifier. Et c’est là que passe un épervier ! D’abord sur ciel bleu, puis à notre hauteur, pour notre plus grand bonheur.

Heureusement que j’avais l’appareil photo prêt à dégainer ! On est bien, ici, alors on prolonge un peu le plaisir. 25 minutes plus tard, nouvelle surprise : une petite bande de becs croisés des sapins ! Ils sont un peu loin pour une photo, alors je m’approche délicatement, sans bruit ni mouvements brusques. Caché derrière un mélèze, j’attends le bon moment. Je suis vite récompensé puisque plusieurs individus s’approchent, mâles et femelles, et j’ai l’embarras du choix dans mon viseur !

Nous sommes maintenant à la mi-journée, et la lumière devient un peu dure pour la photo. Nous poursuivons notre ascension pendant deux heures, à travers des paysages magnifiques mais désertiques, remontant les pistes de ski les plus hautes en altitude.

Nous n’arrivons pas à nous arrêter de grimper : chaque pallier atteint est une invitation à atteindre le prochain ! Notre soif de découverte nous emmène finalement jusqu’au sommet de la montagne, ce qui n’était pas du tout prévu, et pour cause : on fait 1100 mètres de dénivelé positif !!

Arrivés en haut, s’il n’y avait pas quelques ilots d’herbes sèches c’est certain, on se serait vraiment crus sur la lune : ici, rien que des cailloux, de la poussière… et quelques herbes sèches ! Il n’est que 14h, et nous avons largement le temps de nous y perdre, même si le photographe animalier que je suis a plutôt l’impression de le perdre, ce temps… Mais c’est toujours à ces moments-là, quand on s’y attend le moins, que surviennent les petits miracles dont on se souviendra toute sa vie. En fait, j’y pensais depuis le début, à cette éventualité, mais je me disais que ce serait juste trop de chance… Je parle de la possibilité de croiser, au détour d’un rocher, un oiseau extrêmement rare, et qui ne se trouve qu’à partir d’une certaine altitude : le lagopède alpin !

J’avais lu des reportages de photographes à la patience éternelle se caillant les miches par moins 15 degrés, à attendre l’arrivée totalement incertaine de ce précieux galliforme issu droit de l’âge des glaces. Et moi, par 12 degrés positifs sous un soleil à me brûler le nez, je me trouve là, à 100 mètres d’un petit groupe de tâches blanches, dissimulées au milieu des cailloux. Je n’en reviens pas, je suis dans un rêve !

Avec la plus grande des prudences, nous nous éloignons pour éviter qu’ils ne s’envolent, et cherchons un moyen de les contourner sans les troubler. Quelques minutes plus tard, nous sommes de l’autre côté, cachés derrière un rocher : je lève la tête le plus lentement possible, dissimulé derrière mon téléobjectif, et je ne mets pas longtemps avant de voir apparaître, dans mon viseur, deux superbes perdrix de neige, sans neige, le blanc de leurs plumes les faisant aisément ressortir dans ce décor minéral. Génial !

Que d’émotions ! Après ces 4 heures d’ascension, la récompense est juste énorme. Et dire qu’on n’avait pas prévu de monter jusqu’ici ! Avant de redescendre, nous profitons au maximum de ce lieu. On ne sait jamais, un loup qui passe ou quelque chose… En une heure passée là-haut, nous revoyons des lagopèdes à deux reprises, dont une fois en vol.

ll est maintenant temps de revenir sur nos pas. Deux heures passent, tranquillement, sans aucune autre observation animale. Puis, non loin de l’endroit où nous avions vu épervier et becs-croisés, une sacrée curiosité géologique nous tire de notre torpeur : de superbes lapiaz ! Avec la lumière chaude de fin de journée, la scène est magique.

JOURS 3 ET 4

Les deux jours suivants, nos randonnées nous entraînent dans des paysages toujours aussi époustouflants, mais sans lagopèdes. C’est sans doute mieux ainsi ! Ces échappées montagneuses nous mènent toutefois à d’autres petites réjouissances : nouvelle harde de chamois, vautour fauve, chocards à bec jaune, rougequeue noir…

Et surtout, un autre oiseau jamais observé jusqu’à présent : le merle à plastron ! Oiseau farouche s’il en est, il m’a fallu utiliser un long téléobjectif pour l’immortaliser.

Voilà pour ces quelques jours de rando naturalistes passés dans le Dévoluy, une région mémorable à plusieurs titres, et où je retournerai immanquablement à la saison printanière !

Les émotions ça se partage !

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