Envolées dans les Bauges

Loups, lynx, chevêchettes et autres pics tridactyles étaient vraisemblablement confinés dans leurs cachettes respectives lorsque, armé de mes petites jumelles et mon fidèle téléobjectif, je me décidai fin octobre à fouler pendant quelques jours les sommets dégarnis et les vieilles forêts sauvages du Massif des Bauges, parc naturel situé entre Annecy, Albertville et Chambéry. Même les chamois, dont l’abondance fait pourtant la réputation de la région devaient avoir cette semaine-là leur cape d’invisibilité !

Mais qu’importe : ici la nature reste vivifiante et les paysages sont d’une beauté à couper le souffle, de surcroît au pic d’un automne où l’été joue les troublantes prolongations… Et puis, comme souvent, il y a ces animaux totalement imprévus qu’on n’aurait pas pensé croiser et qui, telles de nouvelles constellations dans la carte céleste rajoutent cette petite dose de magie à un séjour naturaliste largement dominé par une faune montagnarde davantage attendue.

C’est tout l’objet de la présente histoire que je vous raconte aujourd’hui, mais laissons durer un petit peu le suspense, en commençant déjà par quelques « usual suspects » des Alpes 😉

D’abord, écartons vite cette frustration de n’avoir vu presque AUCUN mammifère sauvage en 7 jours ! A une seule reprise il m’a été donné la possibilité d’observer un petit groupe de chamois, mais seulement de très très loin (voir photo ci-dessus…) et après une rude ascension jusqu’à un point de vue à 360° d’où l’on s’attend à en voir 10,… 100 fois plus, vue l’immensité des étendues sauvages… Alors oui, hélas, nous sommes en période de chasse, donc les animaux se cachent et notre droit à la contemplation s’en retrouve tristement bafoué.

C’est aussi la saison de la cueillette des champignons, mais eux, bizarrement, sont bien plus faciles à observer, en particulier les rouges à points blancs !

Pas de mammifères je vous disais (les milliers de vaches ne comptent pas !), par contre une belle sélection d’oiseaux, très communs, communs, voire pas communs du tout…

Georges le rouge-gorge est bien entendu l’un des très communs, même s’il se cache parfois plutôt bien quand il délaisse votre jardin pour son milieu le plus naturel : la forêt !

Quant à Mêche, le pic épeiche, je l’attendais plutôt dans les feuillus du fond de vallée, mais c’est dans les sapins d’altitude qu’il a décidé de se montrer !

En prenant de l’altitude justement, quelques vautours et un aigle royal ont bien fendu le ciel (trop loin pour la photo), mais aussi des éperviers et puis ce sympathique faucon crécerelle qui m’a laissé la possibilité de cadrer sur fond de falaise.

Les falaises, lieu de prédilection également des corvidés de montagne que sont les chocards à bec jaune, et qui nous auront bien accompagnés lors de nos différentes randonnées et piques-niques à plus de 1600 m d’altitude !

On a aussi partagé un sommet à plus de 2000 mètres avec un couple de grands corbeaux, des oiseaux toujours délicats à photographier en raison de leur plumage et de leurs yeux tout noirs. La photo monochrome marche donc plutôt bien pour cette espèce.

Et c’est sur une autre falaise que nous avons vu L’Oiseau. Je n’y avais pas pensé à celui-là ! Je parle d’un petit graal que s’arrachent les ornithologues et les photographes, qui a l’excellente idée de descendre de sa montagne parfois l’hiver pour trouver sa nourriture sur les façades de cathédrales et autres ponts en pierre, mais qui reste assez difficile à voir le reste de l’année : sa majesté le Tichodrome échelette !

J’avais le souvenir d’un oiseau un peu plus grand, de la taille d’une huppe (auquel le vol papillonnant me fait un peu penser), mais non, il est petit, et pas du tout évident à photographier dans son milieu naturel sur les immenses parois rocheuses ! Nous avons eu quant à nous l’excellente idée de pique-niquer à l’entrée de la fameuse Réserve de chasse et de faune sauvage (là où on est censé voir des chamois…), en face d’un magnifique rocher superbement bien éclairé par le soleil de début de milieu de journée.

Soyons honnêtes : c’est surtout cette magnifique couleur rouge de ses ailes qui fait du tichodrome un oiseau fascinant à rechercher, mais son comportement atypique participe également à sa légende : son bec très très long, légèrement recourbé, et ses grandes griffes qui lui permettent de grimper sans mal à la verticale (d’ailleurs on l’appelle le « grimpeur de murs » en anglais).

Il tolère plutôt bien la présence humaine, ce qui est toujours appréciable, même pour ne pas l’effrayer il vaut mieux rester tranquille à la même place, en évitant les mouvements brusques.

Pendant près d’une heure, nous avons pu observer cet individu aller et venir, et j’ai eu bien du mal à réaliser de meilleurs clichés que ceux que je vous partage ici. Mais pour un être aussi rare; la magie de la rencontre a pris le dessus : ce n’est que la deuxième fois de ma vie que j’observe cet oiseau en montagne !

Revenons maintenant sur terre. Ou plutôt sur l’eau, plus bas dans la vallée. Car il y a un autre oiseau insolite qui a fait le bonheur de nous surprendre dès le premier jour pendant que nous parcourions les rives du Chéran, magnifique rivière torrentielle qui traverse le massif des Bauges en son cœur.

Nous guettions la présence du cincle plongeur (vu à trois reprises), lorsqu’un drôle de canard apparut dans l’eau à quelques mètres de nous. C’était déjà la fin de journée, il n’y avait plus beaucoup de lumière, et j’ai mis plusieurs instants pour réaliser de quel animal il s’agissait : un harle bièvre ! En voilà un auquel je ne m’attendais pas du tout, ayant déjà côtoyé cet oiseau à des altitudes plus basses, sur la Loire et la Drôme. Ces gros canards plongeurs ont un drôle de bec et la particularité de pouvoir nicher dans les arbres creux.

Il s’agit vraisemblablement d’un jeune de l’année, et soit il ne nous a pas vus, soit il accepte gentiment notre présence (je penche plutôt pour la 2e option !). On se rend vite compte qu’il n’est pas seul, mais qu’il y a un petit trio dans l’eau. Pas simples à figer en basse lumière. Quelques instants plus tard, l’un d’entre eux (le chef !) décida de sortir de l’eau pour secouer ses ailes.

Et voilà comment deux oiseaux, plutôt rares, ont rendu nos petites vacances encore plus mémorables que la simple découverte de cette région encore plutôt bien préservée des Alpes !

Pour finir en beauté cette histoire, au sens propre du terme, voici la récompense obtenue après l’une de nos randonnées (la même qui nous a permis de voir l’oiseau papillon) : oui oui, c’est bien le Mont Blanc tout au fond !

Les émotions ça se partage !

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