Journée caniculaire au cœur du mois de juillet. Assis sur un fauteuil à l’ombre d’un frêne, je regarde couler le petit torrent qui délimite de ses légers méandres le camping dans lequel nous passons quelques jours de vacances. C’est une petite aire très calme, sans prétention, lovée au fond d’une petite vallée sauvage de l’Ariège bordée de montagnes abruptes et insaisissables.
Jumelles et appareil photo à portée de mains, au cas où l’arrivée impromptue d’un ours viderait cet agreste campement de tous ses individus, je savoure l’instant présent, amusé par les jacasseries des pies et bercé par la musique du ruissellement incessant.
Le vol ondulé d’une bergeronnette des ruisseaux me sors de ma rêverie ; voilà une apparition bien moins saugrenue que l’improbable traversée d’un grand fauve ! Rien ne m’avait cependant préparé à la petite scène d’action qui allait suivre…
De temps à autre, un geai des chênes sortait de la forêt s’abreuver au bord de l’eau. Tranquillement blotti au fond de mon fauteuil, ma présence ne semble guère troubler ce volatile qui, tout opportuniste qu’il est, a sans doute pris un peu ses aises à la périphérie de ce rassemblement d’humains où il peut sans peine trouver miettes et autres victuailles.
Le planteur d’arbres, comme on l’appelle parfois, n’a pas enfilé son costume de sylviculteur aujourd’hui. Posté désormais sur la branche d’un vieil aulne, c’est une autre mission dont il semble s’être investi…
Les corvidés, dont font partie les geais, comptent parmi les oiseaux les plus intelligents de la planète, les observer est toujours une expérience fascinante et inspirante. Dire qu’en France, dans plusieurs dizaines de départements, on les considère encore comme des « nuisibles », destructibles à volonté sur simple décision du préfet…
Il en va de même pour les renards, ces rusés et magnifiques canidés dont on connaît pourtant l’importance pour lutter contre la prolifération de rongeurs dans les cultures agricoles. Et si je vous parle de rongeurs, c’est parce que l’un d’entre eux – un mulot sylvestre, peut-être – tient lui aussi une partie dans ce récit. Mais une partie hélas fort brève, comme vous allez le voir…
Aux aguets depuis quelques instants sur son perchoir haut placé, le geai se laisse soudain tomber tel le plus vif des éperviers, tourbillonnant entre les branches jusqu’à se perdre bruyamment dans l’épaisse couche de lierre cintrant l’arbre. Un léger cri se fait alors entendre, avant que l’oiseau ne réapparaisse cette fois une proie toute chaude dans le bec !
J’assiste ébahi à la scène, l’oeil fixé au viseur de mon appareil photo pour ne pas en perdre une miette. Pas simple d’assurer la mise au point à travers le fouillis végétal !
S’il est connu que les geais se gavent de glands, de noix, d’insectes, il leur arrive aussi de visiter les nids d’oiseaux, mais la chasse des rongeurs reste une activité plutôt exceptionnelle chez ce corvidé, a fortiori lorsqu’il a à disposition des proies plus faciles à attraper…
Décidemment, la nature n’a pas fini de nous étonner !
> A lire aussi : « L’ars du faucon« , une autre rencontre faite lors de ce même séjour ariégeois en juillet 2023