Une nature brute. Sauvage. Mystérieuse ! Et pluvieuse. Sur les neuf jours que j’ai passés dans les Alpes italiennes en cet automne 2019, seulement deux ont vu du ciel bleu. Qu’importe ! En fait, tant mieux : un temps maussade est susceptible de créer de superbes ambiances… Surtout à cette période de l’année, lorsque la végétation s’enflamme d’un camaïeu de jaunes et d’oranges et se couvre de brumes fraîches et secrètes ! Enfin, encore faut-il pouvoir voir à plus de 5 mètres devant soi… 🙂
Cascades démentielles, rivières torrentielles, falaises abruptes, forêts de mélèzes à perte de vue et sommets escarpés saupoudrées de neige glacée : tels ont été les éléments de décor principaux de mes 9 jours de randonnée photographique, fin octobre, dans un secteur très préservé de la vallée d’Aoste. Ici, les animaux sauvages ont un immense espace pour évoluer librement, et ne sont que très faiblement dérangés par les activités humaines. Des humains, nous en avons d’ailleurs compté moins que sur les doigts des deux mains…
Ayant loué un hébergement dans le fond de la vallée, chacune de nos randonnées ou presque devait débuter par une longue ascension en zig-zag à travers de magnifiques forêts anciennes, dominées par les mélèzes. En général, une grosse heure d’effort nous faisait accéder à une zone plus dégarnie avec, les jours les moins pluvieux, de magnifiques vues sur les montagnes du versant opposé. Souvent, nous continuions à grimper encore davantage, à travers de grands espaces rocailleux, jusqu’à atteindre les premières neiges en altitude.
Au fil de nos nombreuses heures de marche, nous avons rencontré un nombre important de chamois, souvent en petits groupes, parfois solitaires. Rien que pour eux, ce voyage valait largement le déplacement ! C’est leur densité qui m’a le plus impressionné. Pas une seule fois ne suis-je sorti sans voir au moins une bonne dizaine d’animaux. Un jour j’ai même vu au loin toute une harde d’au moins 40 individus !
Ces différentes rencontres avec les chamois m’ont offert plusieurs belles opportunités photographiques. Une approche douce et tranquille m’a permis de tirer quelques beaux portraits, surtout en forêt.
Les chamois sont curieux de nature, ce qui fait que même les plus fuyards conservent un brin de curiosité, et s’arrêtent une seconde ou deux pour analyser la situation avant de disparaître pour de bon dans les broussailles 🙂
Avec d’autres, beaucoup plus éloignés, j’ai pris beaucoup de plaisir à jouer avec les brumes, les arbres demi-effacés, pour les replacer dans l’immensité des paysages montagnards.
Un jour, on a même eu la surprise d’en voir très très hauts en altitude, conférant aux photos une ambiance carrément hivernale.
Si les chamois ont diverti les promeneurs amoureux de nature que nous étions par leur présence continue et régulière, il est un autre animal qui nous a, par moments, terriblement ému. Surtout le premier spécimen que nous ayons vu, au tout début du séjour. C’est en redescendant d’une montagne dans la brume sylvestre d’une lumière déclinante, que mon amie s’arrêta net pour s’exclamer : “un insecte géant !”. Il m’a fallu plusieurs longues secondes pour comprendre ce qu’elle avait vu : les longues cornes d’un bouquetin des Alpes, à une vingtaine de mètres au-dessus de nous !
La scène était encore plus troublante en ce qu’à l’aller, en grimpant cette montagne, nous le l’avions pas repéré. Les jours suivants, nous avons vu quelques autres bouquetins, mais toujours très hauts en altitude et beaucoup plus loin que les chamois. Il faut dire aussi qu’ils ont un pelage qui facilite leur camouflage. Mais même à 500 mètres, il est possible de faire une photo intéressante ! Nous regardions le panorama lorsqu’est apparu ce mâle, son corps faisant silhouette avec le nuage poreux de la vallée derrière lui.
Il a fallu attendre l’avant-dernière journée de marche pour observer de près une bonne cinquantaine de ces bouquetins, tous rassemblés à plus de 2400 mètres d’altitude dans un vallon très sauvage. Nous avons soigneusement évité de nous approcher des femelles suitées, pour ne pas les déranger inutilement, et nous intéresser à un groupe de vieux mâles tout tranquilles. Ce jour-là, ciel parfaitement bleu… Et lumière très crue. Je vous le disais : les photographes préfèrent la grisaille ! Il est 13-14h, sans doute le pire moment pour la photo animalière. Mais on ne va pas attendre 3 heures à se rouler les pouces ! Par chance, alors que l’ambiance générale était à la torpeur digestive, un des bouquetins a eu 5 secondes de folie que j’ai réussi à immortaliser.
Si bouquetins et chamois sont incontestablement les stars des lieux, quelques réjouissantes surprises ont agrémenté nos différentes sorties sur le terrain. Au deuxième jour notamment, sous une pluie battante, nous observions un chamois en sous-bois lorsque une petite créature poilue traversa le tapis d’aiguilles de mélèzes à toute vitesse. Un écureuil roux ! Oui mais beaucoup plus sombre que ceux qui habitent mon jardin drômois. Et complètement trempé ! Heureusement pour moi et l’appareil photo, il s’est figé quelques secondes debout sur ses pattes arrière.
Un autre jour, en forêt toujours, mon regard a été attiré par une petite boule blanche, à 30 mètres du chemin de randonnée. Un lièvre variable ! La toute première fois que j’en vois avec un pelage blanc. Côté camouflage, c’est raté : y’a pas encore de neige dans la forêt…
Autre petite surprise bienvenue côté mammifères : ce brocard observé dans la vallée le tout dernier jour, dans une lumière brillante de fin de matinée.
Et les oiseaux ? Pendant ces dix jours, j’espérais beaucoup observer (enfin !) le géant des cieux, le rarissime gypaète barbu et son envergure de 3 mètres… Hélas ! Ce n’est pas faute d’avoir régulièrement scruté le ciel, les falaises, les crêtes… le “casseur d’os” a brillé par son absence. J’ai été étonné d’ailleurs par le peu de rapaces présents, a fortiori les jours de beau temps. En 9 jours nous avons observé un couple de faucons crécerelles, une buse variable et un épervier. Mais aussi, de loin : un bel aigle royal.
Les passereaux se sont montrés plus bavards et sociables. Nous avons vu de belles populations de rouges-queues et de mésanges, surtout noires et huppées, mais en termes de “bavardage” ce sont de grands groupes de bec-croisés des sapins qui ont mis le plus d’ambiance à 2000 mètres d’altitude. Un jour, nous étions littéralement debout sous un mélèze peuplé de dizaines d’individus en plein casse-croûte : des morceaux de pommes de pins nous sont tombés sur la tête ! Chez ces oiseaux fascinants aux faux-airs de perroquets, mâles et femelles ont des couleurs très différentes.
Si j’avais déjà eu la chance d’observer des bec-croisés dans le Vercors cet été, ce n’est pas le cas d’un autre habitant de haute-montagne : j’ai nommé l’accenteur alpin ! Nous avons eu énormément de chance de croiser son chemin quelques minutes, une seule fois pendant tout le séjour. A l’instar de son cousin plus commun l’accenteur mouchet, l’alpin n’est pas très farouche. Il est surtout beaucoup moins terne.
Autre espèce inédite que j’ai eu le bonheur d’observer, souvent furtivement : le casse-noix moucheté ! Bel oiseau de la famille des corvidés, il a la taille d’un geai des chênes et ne trahit sa présence que lorsqu’il émet un “krèkrèkrè” assez sonore. Essentiellement végétarien, le casse-noix se nourrit principalement des graines de pins ou de conifères. Plutôt farouche, le photographier n’a pas été une mince affaire…
Me reste enfin à vous parler d’un oiseau pas forcément montagnard, mais dont l’existence est intimement liée aux rivières d’eaux vives : le cincle plongeur. Jusqu’à présent, dans la Drôme essentiellement, je n’avais jamais eu de chance lors de mes affûts pour mettre en boîte celui qu’on surnomme “le merle d’eau”. Mais ici j’ai eu un peu plus de réussite. N’ayant pas de filet de camouflage sur moi, j’ai juste tenté de me dissimuler le mieux possible dans la végétation des berges du torrent, “caché” derrière mon appareil photo. J’ai assisté à de longues minutes à l’une de ses fameuses séances de pêche : le cincle a cette formidable capacité de plonger sous l’eau et de carrément marcher sur le lit de la rivière, à contre-courant, pour y manger des larves ou des petits poissons.
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P.S : pas de gypaète, vous ai-je dis ? Non, pas en Italie… mais sur le chemin du retour en France, 100 mètres après le col du petit Saint Bernard, nous remarquons un homme qui scrute le ciel avec ses jumelles : il regarde non pas un, mais 2 gypaètes barbus ! Je me gare en urgence et sort l’appareil : j’ai le temps de prendre 3 photos bien médiocres avant qu’ils ne disparaissent derrière la falaise. Mais peu importe la qualité de la photo : je l’ai vu mon 1er géant des cieux !
<3 <3 <3 !!!
😉
Merciii Eugénie ! 🙂
Magnifique reportage ! Merci de ce partage , et quelles superbes photos ! Bravo.
Merci chère amie !!