L’hiver 2017-2018 a été marqué en France, comme vous le savez, par une crue impressionnante de la Seine, générant bien des dégâts à travers toute l’Île-de-France, mais aussi la Haute-Normandie, l’Eure en particulier. D’innombrables jardins et sous-sols ont été inondés, et vue la densité résidentielle en val de Seine, le courant a charrié des tonnes de détritus de toutes sortes, échoués des deux côtés de fleuve. Le pire étant ces kilomètres de sacs plastiques, pris au piège dans les branches des arbres à moitié noyés… Et c’est lorsque le niveau de l’eau redescend que l’on se rend compte de l’étendue de la catastrophe environnementale – sur le chemin de halage, dans mon village, des billes de polystyrène et des cotons tiges par centaines de milliers, des bouteilles de soda, des morceaux de jouets pour chiens, des poupées Barbie démembrées… Un bien triste spectacle !
Mais en février 2018, de la neige est venue, pendant quelques jours, recouvrir de son blanc manteau cette malheureuse décharge à ciel ouvert, et redonner à la Seine meurtrie une once de poésie éphémère. Pas assez pour tout recouvrir, certes, mais suffisamment pour générer un peu de féerie inattendue !
Et ce froid hivernal, qui suit une période de pluies intensives, est plutôt une donnée intéressante pour les amateurs d’ornithologie, qui savent bien que les intempéries peuvent réserver bien des surprises en matière de migrations de l’avifaune. Et c’est exactement ce que j’avais en tête, ce samedi 10 février, lorsque j’ai profité d’un temps sec et froid pour faire un peu d’observation dans les champs inondés de mon village, où certaines flaques s’étaient dans la nuit transformées en patinoires. J’habite à moins d’un kilomètre de la Seine, je pars donc à pied, avec l’idée d’effectuer une grande boucle en passant par le chemin de halage, équipé en mode billebaude. Le ciel est bleu, la neige est gelée, la lumière est vraiment magnifique… Je me dirige tranquillement vers le fleuve, et très vite, j’entends au loin le sifflement si caractéristique des cygnes en vol, généré par le battement de leurs grandes ailes. J’ai de la chance, elles arrivent dans ma direction !
Quelques instants seulement après cette belle émotion, j’aperçois à contre-jour, tout près de l’eau, de petits oiseaux dont je ne reconnais pas le cri. Je m’avance un peu, mais ne peux pas trop m’approcher car je suis complètement à découvert, et l’idée n’est bien sûr pas de les faire fuir… Je me rends vite compte, avec bonheur, qu’il s’agit de pipits ! Des oiseaux bien sympathiques que j’ai très rarement eu l’occasion d’observer. Et ici, dans ce village, c’est tout simplement la toute première fois.
Ils sont tout un groupe – 10 ? 15 ? – et évoluent dans la partie du champ qui se trouve au bord de l’eau, où il y a très peu de neige. Je suis assez loin et à contre-jour, mais je tente quand même un cliché, au cas où il se décideraient à partir :
J’ai prononcé le mot sympathique tout à l’heure, et si je l’ai fait, c’est parce que j’ai vite compris que ces oiseaux avaient l’air inoffensifs et n’étaient pas forcément très farouches ! En effet, après m’être dit que ça ne servait à rien s’essayer de les approcher davantage, et les déranger dans leur petit-déjeuner ambulant, j’ai décidé de ramper délicatement dans leur direction – l’objectif étant d’arriver à une souche située à quelques mètres devant moi, derrière laquelle je pourrais me poser tranquillement pour mieux les observer. Quelques longues minutes plus tard, l’objectif est atteint, et les oiseaux sont toujours là ! Il n’y a maintenant plus qu’à patienter, regarder, savourer le moment. Je suis à plat ventre, les coudes posés sur la souche, et j’observe la scène à travers mon boîtier couplé au 300mm f/4. La plupart des pipits sont à contre-jour, mais comme la lumière est encore assez douce et le soleil encore assez bas, cela crée de bien jolies ambiances. Je m’amuse à essayer de photographier le plus bas possible, pour créer des flous intéressants avec la végétation au premier-plan.
Maintenant que je suis dans cette position, je ne peux plus vraiment bouger – l’idée est que les oiseaux s’habituent à ma présence pour s’approcher encore plus près, et si possible directement éclairés par le soleil. Si je me lève maintenant, ils iront très certainement aller voir plus loin ! J’attends donc plusieurs minutes, tout en continuant à prendre des photos. C’est un vrai jeu de patience… Mais il fait beau, et j’ai devant moi un spectacle inédit et tout à fait fascinant, je sais que ces oiseaux ne sont ici qu de passage, et que le lendemain il seront peut-être tous repartis au Nord ! Et la patience finit par payer…
Après plusieurs dizaines de minutes à attendre qu’ils s’approchent, j’ai maintenant la visite de plusieurs pipits à quelques mètres seulement, et de quoi bien remplir ma carte-mémoire ! J’ignore exactement ce qu’ils cherchaient à manger (de petits mollusques peut-être ?), mais c’était amusant de les voir picorer, et avoir ensuite « la goutte au bec » !
La plupart des photos que j’ai réalisées étaient à contre-jour, mais pendant quelques instants, un pipit a eu l’excellente idée de s’approcher de l’eau boire quelques gorgées, à un endroit où il était pour le coup parfaitement éclairé par devant.
Je serais bien resté là une heure de plus, mais je commençais à sentir le froid vu que j’étais allongé à même le sol gelé ! Je me suis donc relevé tout en délicatesse, sans mouvement brusque, et suis resté assis quelques instants avant de me lever complètement. Et c’est précisément à ce moment-là que j’ai eu droit à une nouvelle très belle surprise : un tarier pâtre mâle est venu se poser à seulement quelques mètres ! Je n’en croyais pas mes yeux, car cet oiseau-là est franchement farouche en temps normal… Là il était posté sur un vieux piquet, sa magnifique poitrine couleur rouille parfaitement éclairée par le soleil – une occasion en or d’en faire un beau portrait, celui que je n’avais encore jamais réussi à faire en billebaude : ce fut là ma récompense d’être resté immobile dans la neige froide toutes ces longues minutes !
Sympathique aussi cette histoire ! Tu ajoutes les dons de conteurs à ceux de photographe et connaisseur en ornithologie. Et bravo pour la patience évidemment. J’aimerais en savoir autant sur les oiseaux. Fais tu un métier proche de la nature ou est-ce juste un hobby ? Petite question sur « le mode billebaude » : couvres tu ton boitier et/ou objectif d’un camouflage, et si oui lequel ? (J’ai aussi l’EM1m2 et hésite encore sur l’achat d’un télé et me contente donc pour le moment de l’excellent 40-150 f2.8 + bague 1.4 … mais c’est un peu court !
Merci beaucoup Guy ! Comme c’est une activité souvent assez solitaire, je prends beaucoup de plaisir à partager ensuite mes aventures par le récit et l’image pour que d’autres en profitent. J’ai juste un hobby – en ce moment j’ai un emploi de bureau, rien à voir avec les oiseaux !
Non, je n’ai pas de camouflage pour mon matos, en revanche j’utilise des habits de camouflages, notamment pour les mains et parfois le visage – les parties blanches de la peau en fait, car c’est ce qui reflète le plus. Le 300mm f/4 est le meilleur investissement que j’ai fait depuis que je suis en Olympus, c’est l’objectif dont je me sers le plus souvent. Avant, j’étais comme toi, avec le combo 40-150 f/2.8 & 1.4TC, j’arrivais à de supers résultats déjà, mais c’est vrai que c’était souvent un peu juste pour les oiseaux. Par contre, ça permet de créer de belles ambiances !
Merci de ce partage d’infos, c’est sympa. Continue à faire de beaux portraits de la nature !