Entre la Seine et les collines forestières de l’est eurois, quelques villages ont heureusement conservé une part de champêtre, malgré la domination de l’agriculture intensive, et la construction croissante de nouveaux pavillons à la périphérie des bourgs qui mordent de plus en plus sur les espaces sauvages. La région parisienne n’est en effet qu’à quelques kilomètres de là, assurant ainsi à cette région mitoyenne du Vexin un sort tout autre que celui de la désertification rurale que connaissent d’autres départements.
La vie sauvage a donc malgré tout encore sa place dans cette vallée verdoyante, où la forêt borde de grands champs cultivés mais où une mosaïque de haies et de bosquets servent de refuge à bien des espèces d’oiseaux, jusqu’au bord du fleuve. Outre les champs, on y trouve aussi plusieurs grands haras, ainsi que quelques rares prairies semi-sauvages. Et c’est justement au fond d’une de ces prairies que j’ai eu la surprise, lors d’une promenade automnale, d’apercevoir une curieuse tâche blanche – je regarde dans les jumelles et je me rends compte qu’il s’agit d’un étonnant lièvre leucique !
Face au danger, les lièvres ont l’habitude de se figer et de s’aplatir le plus possible au sol, leur pelage brun pouvant facilement se confondre avec la couleur de la terre. Dans une prairie verte, on pourrait croire sans jumelles à une taupinière. Leur deuxième technique de survie, quand ils se savent repérés, est de déguerpir à toute allure ! Mais il arrive aussi qu’ils adoptent une attitude intermédiaire, qui consiste à rester immobile, mais debout sur leurs pattes arrières, les yeux grand ouverts et les oreilles bien dressées. C’est cette posture qu’ils adoptent lorsqu’ils sentent que quelque chose sort de l’ordinaire, mais qu’ils ne sont pas sûrs s’il s’agit d’un véritable danger.
Dans cette prairie ouverte, difficile de tenter une approche sans faire fuir nos amis à poils. Je décide de revenir le lendemain, en espérant arriver sur les lieux avant le lièvre, et me cacher jusqu’à ce qu’il montre le bout de ses oreilles. Mais pas de chance : scénario similaire que la veille, le lièvre est déjà sorti dans la prairie, d’ailleurs on ne voit que lui avec son beau pelage blanc… Je me dis qu’il ne survivra jamais la saison de la chasse le pauvre, sauf si Météo France annonce 4 mois de neige continue !
Comment m’approcher sans le faire fuir ? L’avantage que j’ai sur lui, c’est qu’il ne m’a pas encore vu. L’autre avantage que j’ai, c’est qu’il est tout proche de la clôture de séparation avec la prairie voisine, j’ai donc une chance de m’approcher en me cachant derrière les quelques arbustes qui poussent de chaque côté de la clôture. Très lentement, j’avance, en me figeant dès que je sens qu’il va se retourner. Avec le soleil couchant dans mon dos, je joue un vrai 1, 2, 3 soleil avec lui ! Mais plus j’avance, plus le lièvre est caché par les hautes herbes. Je décide donc de ramper à l’aveugle, en levant de temps à autre la tête.
Je ne le vois plus du tout… Je pense qu’il a dû me griller, avec ses grandes oreilles il a dû entendre un bruit suspect, et il s’est sans doute mis à plat ventre au fond de l’herbe… Mais voilà qu’il se montre ; il court ! Cette fois-ci j’en suis convaincu, je n’ai pas été assez discret, je vais rentrer bredouille… Mais à peine ai-je cette pensée que je remarque que le lièvre s’est en fait arrêté, à peine trois mètres plus loin de sa cachette ; je me baisse aussitôt et me fige. Il est sur ses pattes arrière, les oreilles dressées, son pelage blanc se mêlant aux derniers reflets rosés du coucher de soleil. Il me laisse cinq pleines secondes pour viser juste et faire quelques belles photos ! Puis s’en va plus loin, tout au fond de la prairie. Je prends congé de lui, bien content de ma sortie !
Arrivé chez moi, en regardant la série de photos sur mon ordinateur, je ressens tout de même un pincement au coeur… Survivra-t-il à la chasse ? Réponse dans un second épisode !
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