C’est une gigantesque montagne de calcaire, une forteresse imprenable bordée de falaises à couper le souffle. D’en bas, on ne sait pas par quel bout la prendre. Là-haut, tout là-haut, c’est la Réserve Naturelle des Hauts-Plateaux du Vercors, le plus grand espace sauvage de France à bénéficier de ce label. Et c’est dans cette vaste étendue préservée que vivent les bouquetins, les chamois, et où volent différents géants du ciel : vautours fauves, gypaètes, ou encore aigles royaux.
Un jour de décembre 2022 (le dimanche d’une fameuse finale sportive, pour être précis !) je me suis enfin motivé à gravir les quelque 1200 mètres de dénivelé positif de cet immense bloc ; depuis mon installation dans la Drôme, il y a 4 ans, j’avais toujours remis à plus tard l’ascension du Glandasse, ne me sentant pas mentalement prêt à un tel affront !
Il fait très froid ce matin, la forêt est très calme, les flaques d’eau toutes gelées, et je n’ai pour compagnie occasionnelle que quelques rares mésanges, merles et roitelets.
Deux heures d’ascension passent avant que je puisse goûter à une première récompense suite à mes efforts en direction du ciel : un gypaète barbu, tout au loin là-bas, gravite autour de la pointe la sud du Massif !
Je continue mon chemin, à travers une hêtraie, puis d’impressionnants pierriers qui passent sous la partie la plus majestueuse de la montagne. La pente est très raide, la vue vertigineuse. Je prends mon temps devant ce spectacle sublime, effectue quelques photos de paysage.
Plus loin je surprends une grive à travers les branchages.
Je ne mets ensuite pas longtemps avant d’apercevoir mon tout premier bouquetin de la journée : un cabri qui semble faire le guet, à l’entrée de la Réserve naturelle !
A partir d’ici, les névés givrés sont plus réguliers, et les chances de se prendre une gamelle plus nombreuses… Après moult hésitations, je me raisonne à ne pas risquer davantage ma vie, et choisis un bel endroit ensoleillé au bord de la falaise pour pique-niquer. Bien m’en a pris ! A 50 mètres à ma gauche, une femelle bouquetin est couchée sur un rocher, et me regarde tranquillement.
Plus haut, de jeunes mâles en rut se montrent dans une petite clairière enneigée.
Les minutes passent et je m’attriste de ne pas avoir vu le moindre chamois en 4 heures… Heureusement, un autre animal plus inattendu me consolera : en scrutant la pente avec mes jumelles, j’aperçois un immense rapace débarquer de nulle part – un aigle royal ! Je me rends vite compte qu’ils sont deux, un couple très certainement.
Chose peu commune, ma position haute fait que je peux admirer leur plumage de dessus, et pour mon plus grand bonheur l’un d’entre eux semble s’approcher de plus en plus.
Il monte de plus en plus haut dans ma direction, m’offrant de superbes occasions de lui tirer le portrait dans une belle lumière hivernale !
Il porte très bien son nom d’aigle doré, comme l’appellent les Anglais. Je reste assis une bonne demi-heure encore, toujours en présence de Mme bouquetin sur son rocher. Un mâle l’a rejoint quelques minutes puis a disparu dans la végétation.
Les aigles ne passeront plus, en revanche un couple de grands corbeaux assurera la suite du spectacle.
Je resterai bien ici une ou deux heures de plus, mais les journées sont très courtes à cette époque de l’année et il me faut bien rebrousser chemin si je ne veux me faire dévorer par un loup à la tombée de la nuit (= blague !)
Je reprends le sentier des pierriers, accompagné d’un cortège de vautours fauves – certains me passeront tout près !
En me retournant, je verrai aussi un bouquetin femelle sortir de la végétation suivie de près par son petit rejeton. Je ne m’attendais pas à ce qu’ils soient si petits à cette saison !
Ce seront les derniers bouts de poils que je verrai de la journée. Plus loin, je m’arrête quelques instants à l’endroit où j’avais aperçu le gypaète, à la montée, au cas où il aurait la bonne idée de se remontrer, mais non.
Cette fois-ci c’est bon, il est temps de ranger l’appareil et de regagner la voiture d’un pas allant. Dans une magnifique lumière de fin de journée, je poursuis ma bienheureuse descente, seul au monde – la finale de foot a déjà bien commencé ! – la tête pleine d’émotions naturalistes qui auront fait le succès de cette journée. Vive la montagne et ses habitants libres et sauvages !
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