Je ne sais pas vous, mais l’une après l’autre, je vois les belles prairies fleuries disparaître à la campagne, le plus souvent remplacées par des monocultures céréalières nettement moins riches en insectes et en oiseaux… Heureusement, je vis dans un département où la part de bio est assez importante (+ de 30% !), il n’est donc pas rare de tomber sur un champ de blé ou un verger de noyers où viennent se montrer ci-et-là, chaque année, de belles fleurs sauvages.

Mais quoi de plus merveilleux que de tomber, au hasard d’une promenade, sur un magnifique champ de pavots rouges perdu au cœur d’une campagne verte et bucolique ? Pour un photographe de paysages, c’est le comble ! Le photographe animalier, lui, se met plutôt à rêver : et si je faisais un petit affût, au coin là-bas, au cas où un beau cerf n’aurait pas la bonne idée de sortir du bois et se fondre dans ce sublime décor ?
Il y a les photos rêvées… et il y a les photos de rêve.
Comment vous dire ? Un soir de mai 2024, je circulais lentement en voiture sur des petites routes de campagne autour de chez moi, à la recherche d’éventuels animaux sauvages à photographier. J’avais presque terminé mon tour quand tout à coup, sur ma droite, j’ai eu le bonheur de découvrir une magnifique prairie composée d’un formidable mélange tricolore de bleuets, marguerites et de coquelicots.
A 21h16, le soleil a déjà disparu derrière l’horizon, mais la lumière reste tout à fait acceptable pour tenter une photo de ce merveilleux mélange floral. Mais à peine cette envie me traverse-t-elle l’esprit que je remarque quelque chose bouger dans la verdure. Un chevreuil ! Oublié, le grand angle : mon fidèle 300mm est déjà monté sur l’appareil et prêt à faire feu, je ne peux en aucun cas rater une telle occasion !

Les animaux tolèrent souvent mieux les véhicules que les bipèdes. En voyant la voiture s’arrêter, le chevreuil s’est juste reculé de quelques mètres pour garder une meilleure distance de sécurité. Il est maintenant à une trentaine de mètres à peine et il regarde dans ma direction. Je profite qu’il soit immobilisé pour le viser par la fenêtre passager.
Par chance, je suis à la bonne hauteur pour obtenir une belle composition avec toutes ces fleurs, je n’ai même pas besoin de sortir de la voiture ! Je voudrais tellement ne pas rater ce moment que je ne me préoccupe d’abord pas trop des réglages. Pour les photographes qui me liraient, je suis à 1/320s, une ouverture de f/4 et une sensibilité de… 10 000 ISO ! En éditant ensuite la photo sur l’ordinateur, j’aurai la bonne surprise de constater que la netteté est plus qu’acceptable et qu’il n’y a pas beaucoup de bruit numérique. Vraiment bluffant pour un capteur micro 4/3 !

Après quelques minutes, le chevreuil ne se préoccupe plus vraiment de moi. Il s’éloigne tranquillement, disparaît dans les fleurs, puis réapparaît un peu plus loin. Il se retourne juste parfois pour vérifier que je suis toujours là. Seule sa tête dépasse !

Il est désormais 21h26, la lumière décline de plus en plus. Je n’insiste pas davantage et décide de rentrer, bien satisfait de cette formidable soirée improvisée !
5 ans avant cette rencontre fortuite, j’avais déjà eu le bonheur de photographier – de manière moins flamboyante toutefois – une chevrette parmi les coquelicots, dans un autre champ situé à quelques kilomètres de là. Nous étions alors à la mi-juin et l’heure était encore plus tardive. Cette fois-là, je n’étais pas en voiture mais à pied, en mode billebaude. Surtout, les fleurs étaient beaucoup moins hautes – mon approche de la chevrette avait donc été longue et délicate !

J’avais pu savourer ce moment pendant une bonne demi-heure, n’osant pas trop bouger pour ne pas la faire paniquer inutilement, attendant simplement qu’elle s’éloigne pour lever le camp à mon tour.

Retour en 2024, quelques jours après la superbe observation du brocard aux bois asymétriques. Je passe de nouveau à proximité de la prairie tricolore. Pas de chevreuil en vue, cette fois, mais il y a une grosse masse sombre là-bas… Un ours ?? Impossible, l’espèce est hélas disparue de Drôme depuis les années 1920. Cela ne peut donc être qu’un sanglier. Et quel sanglier ! Une laie très imposante avec deux bosses sur le dos.

Et elle n’est pas seule ! Elle est accompagnée d’au moins deux marcassins, nettement moins faciles à observer vu leur petitesse et leur couleur marron clair. Je suis d’autant plus étonné de cette observation qu’il n’est que 19h30, soit deux bonnes heures avant la tombée du jour.

Qu’il est formidable de voir que malgré la chasse et la persécution à longueur d’année dont sont victimes ces animaux mal-aimés, ils peuvent malgré tout sortir au grand air, en toute tranquillité à la vue de tous (du moins ceux qui, comme moi, passent une bonne partie de leur temps à contempler la nature !).

Cette fois-ci, je décide de sortir de la voiture pour m’approcher silencieusement. Il faut faire attention, surtout à cette période, de ne pas trahir sa présence et perturber ces animaux – une laie peut se montrer très agressive pour protéger ses petits.
Je suis à bon vent, équipé de mon 300mm, et n’ai de toute façon pas besoin de m’approcher à moins de 30-40 mètres. Ce qui m’intéresse surtout c’est le décor : photographier ces animaux dans cet environnement floral tellement précieux et éphémère !

Je rentre ce soir là chez moi très ému et avec des dizaines de clichés à trier. Je n’aurais jamais rêvé décor plus champêtre et naturel pour mettre en valeur la fameuse “bête noire” !
J’espère que ces quelques lignes et photos vous auront plu, et comme d’habitude je lirai avec grand plaisir vos éventuelles réactions !
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- « Les chevreuils sortent du bois« , une histoire normande de novembre 2018
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