Octobre 2020 : l’arrivée des premières couleurs d’automne et une folle envie de m’échapper, l’espace d’une journée, dans les contrées sauvages du sud-Vercors. Avec, en tête, un objectif bien précis : tenter d’observer, et pourquoi pas photographier, l’un des plus grands oiseaux d’Europe, j’ai nommé le Gypaète Barbu !
Persécuté par l’homme jusqu’à la quasi extinction, le Gypaète et ses presque 3 mètres d’envergure a beau être protégé par la Convention de Berne de 1979, il est toujours considéré comme « en danger » en France par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), malgré les nombreux efforts des écologistes pour reconstituer ses populations ces dernières décennies. Avec quelques dizaines d’individus seulement en France, croiser son chemin est donc, pour tout naturaliste, un Graal absolu !
J’ai quant à moi la chance d’habiter un département, la Drôme, où de jeunes gypaètes sont régulièrement réintroduits dans les montagnes : le lieu précis de relâcher est heureusement tenu secret, mais le fait de savoir que de tels oiseaux sont susceptibles de survoler sans prévenir le massif du Vercors, donne un formidable motif pour sortir randonner les yeux rivés vers le ciel !
Le régime alimentaire du gypaète barbu est très particulier, puisqu’il se nourrit presque exclusivement d’os ! Il intervient après les autres vautours (fauve, moine, percnoptère), en fin de cycle de nettoyage des cadavres d’animaux, pour les faire totalement disparaître. L’ensemble des vautours, charognards et nécrophages, jouent ainsi un rôle sanitaire hyper important dans la nature, évitant les épidémies, et heureusement beaucoup d’éleveurs l’ont aujourd’hui bien compris.
Ce 11 octobre 2020, la météo est juste parfaite : température clémente, absence de vent, et ciel bleu ponctué de quelques beaux amas nuageux, Je m’élance sur un chemin de randonnée qui, d’ici une bonne heure et demie, devrait m’amener sur les Hauts Plateaux du Vercors et des panoramas à couper le souffle.
Je suis totalement seul, même si je devine quelques chiens de chasse aboyer dans les fourrés en contrebas. L’ascension, entre prairies et forêts, est une formidable explosion de couleurs !
Après une bonne suée, j’arrive en haut où les nuages se sont densifiés, mais je suis déjà récompensé par un grandiose spectacle automnal. Voir planer un gypaète barbu aujourd’hui serait un bonus, rien que d’être venu pour cette vue suffirait à ma satisfaction ! D’ailleurs, pour l’anecdote, la photo ci-dessous a été publiée dans un livre du naturaliste Marc Giraud, Paysages de France en bord de chemin, édité chez Delachaux.
Il n’est que midi, j’ai donc largement le temps d’aller explorer un peu les alpages des hauts plateaux, et chercher un endroit pour déjeuner tout en prospectant le gypa. Je ne mets pas longtemps à trouver un superbe spot, en bord de falaise,
Très vite, je remarque un grand oiseau, posé sur un rocher. Un vautour fauve ! Il a une grosse bague d’identification sur l’aile. Indifférent à ma présence, il me tiendra compagnie pendant tout le pique-nique.
Je suis le seul humain présent ici, et je suis complètement béat devant autant de beauté sauvage. Devant moi, au-delà du vautour en repos, se tiennent d’immenses falaises de calcaire et un couvert forestier à perte de vue.
Je suis perdu dans mes pensées contemplatives lorsque surgit de je ne sais où l’oiseau que je suis précisément venu chercher : le gypaète barbu !! Je tombe le sandwich et attrape l’appareil photo pour déclencher. J’ai pu suivre son vol pendant presque une minute : plusieurs heures d’efforts pour une toute petite minute d’extase !
C’est un jeune, identifiable par son cou noir, sa courte « barbe », et sa paupière moins rouge, notamment J’ai quelques belles photos, mais je m’en veux de ne pas avoir davantage profité de ce spectacle si rare de mes simples yeux, ou avec des jumelles.
C’est souvent un dilemme pour le photographe animalier : faut-il ramener à tout prix une photo ? A aucun moment le désir du trophée photographique ne devrait primer sur la beauté de l’émotion du moment, et du respect du sujet photographié. C’est en tout cas l’éthique que j’essaie d’appliquer à moi-même. Une photo fera toujours moins de dégâts qu’une balle de chasse, mais un dérangement en période de fragilité pour telle ou telle espèce peut avoir des conséquences indirectes terribles !
Ici en tout cas, aucun risque de dérangement : aucune nidification en cours, et les vautours ne sont pas du tout farouches : ma présence leur importe peu.
Je décide donc de rester à la même place, aussi longtemps qu’il le faudra, dans l’espoir que le gypa fera un deuxième passage. L’attente ne durera que 45 minutes : le revoilà ! Cette fois-ci je prends pleinement le temps de l’observer, puisqu’il à s’offre en spectacle pendant plus de 2 minutes. Il passe juste au-dessus du vautour sur son rocher !
Je refais quelques photos lorsqu’il est plus loin et moins haut, pour tenter d’avoir la forêt colorée en arrière-plan, Les clichés manqueront de netteté, à cause des ondes de chaleur, mais qu’importe : j’ai vu un gypaète barbu, et ça, c’est irremplaçable !
A très bientôt pour une nouvelle histoire naturaliste en photos ! 🙂
Magnifique & very exciting
Thanks Mum !
Merci de nous faire partager cette sublime rencontre !
Avec plaisir, merci pour votre commentaire Bruno !
WONDERFUL!!! pictures & story! well done
Danke sehr, mein Vater !
Formidable, comme toujours ! Richard, c’est un régal de te lire et de regarder tes photos. J’étais en train de me dire que depuis toutes ces années où tu les publies sur Facebook ou sur ton blog, sans compter les calendriers 😉, je ne regarde plus les oiseaux de la même façon. Merci pour tout ce que tu (nous) transmets !!
Merci beaucoup chère Odile !!