Des vacances de renard

De la Drôme au Morbihan, en passant par les Deux-Sèvres et le Puy-de-Dôme : cet été, que ce soit lors de mes séances de billebaude ou mes simples promenades du soir, je n’ai jamais vu autant de renards… vivants !

Quel bonheur d’apercevoir ces petits canidés insouciants, rôdant sur les petits chemins de campagne, à la lisière des bosquets, dans les prairies fraîchement coupées. A les voir flâner, s’asseoir au soleil, bailler à l’orée des blés, on en oublierait presque qu’ils sont toujours considérés, en France, comme « nuisibles » dans 88 départements… Un classement sans queue ni tête qui n’existe que pour protéger le petit loisir des chasseurs, ces autoproclamés « premiers écologistes de France » allergiques à l’idée de partager l’espace avec des prédateurs naturels. Heureusement, le rôle prépondérant des renards dans l’équilibre des écosystèmes est de plus en plus reconnu, par les forestiers et une partie du monde agricole notamment ; les renards, en plus d’être charognards, sont en effet de redoutables régulateurs de micromammifères (campagnols, mulots, etc.).

En un mois (entre le 1er juillet et le 3 août 2024 pour être précis), j’ai pu faire 10 observations différentes de renards vivants, dans 4 départements différents. Cela ne m’était tout simplement jamais arrivé ! Retour sur ces moments privilégiés, en texte et en images.

Drôme

Le 1er juillet, à 18h15. Je promène mon chien (Goupil !) dans la vallée enchantée, juste derrière mon domicile. Je suis en vélo, il trottine à côté de moi. Nous n’avons pas fait 1 kilomètre que je remarque, très surpris, un renard esseulé dans une prairie de luzerne fraîchement coupée. Je m’arrête aussitôt et rappelle mon chien, avant qu’il ne le sente ! On rebrousse rapidement chemin, pour aller chercher l’appareil photo… Sera-t-il encore là dans 10 minutes ?!

La réponse est oui ! Je me mets à l’affût dans un petit bosquet, suffisamment loin pour ne pas le déranger, et je croise les doigts pour qu’il continue d’avancer dans ma direction. Il est 18h28 et la lumière est encore forte en cette fin de journée d’été ; on n’est pas trop habitués à ce genre d’ambiance, nous les photographes animaliers ! Les animaux sauvages ont tendance à sortir bien plus tard en soirée, ou tôt le matin, sauf dans les endroits où il se sentent a priori en sécurité. C’est visiblement le cas dans cette vallée qui, bien que chassée en hiver, reste très peu fréquentée par les humains.

Il s’approche ! Mais je manque de profondeur de champ pour l’isoler dans son environnement. Je vois cependant une possibilité de composition intéressante, s’il veut bien s’approcher un peu du champ de blé et ses reflets dorés… Voilà !

Après une bonne dizaine de minutes, le renard disparaitra dans les blés.

Je décide de revenir le lendemain, un peu plus tard que la veille. Je me remets exactement à la même cachette. Pas de soleil ce 2 juillet… ce qui change tout côté ambiance ! A 19h54, nouvelle apparition d’un renard. C’est bien le même qu’hier, identifiable à son œil gauche tout blanc – serait-il aveugle ?

Pendant plusieurs longues minutes, le renard reste assis, tranquille, comme s’il se réveillait doucement d’une longue sieste. Il baille, avance de deux trois pas, s’arrête.

Puis finit par se mettre doucement en chasse dans la prairie fauchée, en s’éloignant de ma cachette. J’attends quelques minutes, puis décide de bouger moi aussi. Je reprends le chemin blanc qui longe la prairie, dans la même direction que le renard. Je le retrouverai 300 mètres plus loin, cette fois à la lisière du petit bois.

Il avance doucement, à la recherche d’une proie. Je tente une ou deux photos à travers la végétation avant qu’il ne disparaisse à nouveau. Il est maintenant 20h27, le temps de rentrer après cette nouvelle joyeuse soirée !

10 juillet, 19h20. Une semaine après ma dernière rencontre avec le renard, je retourne dans la vallée pour promener mon chien. Je n’ai pas prévu de faire de photo ce soir, par manque de temps, mais je prends quand même un petit sac au cas où. Je ne m’attends pas à revoir le renard à cette heure-ci, mais le revoilà, exactement au même endroit où je l’ai laissé une semaine plus tôt !

Cette fois, je n’ai pris qu’un petit téléobjectif avec moi. C’est l’occasion de tenter quelque chose d’un peu différent, sachant qu’il n’est pas assez puissant pour me permettre de faire un portrait serré de l’animal. Je tire à profit de la belle lumière qui illumine la petite bande végétale qui se trouve entre moi et le renard, histoire de mettre un peu de poésie dans mon cadrage.

Puy-de-Dôme

15 juillet 2024, Parc naturel régional (du Saint-Nectaire !) des Volcans, 16h30. Avec ma compagne et Goupil, un thermos de thé dans le sac à dos, nous nous engageons sur un chemin que nous aimons bien, qui passe entre d’immenses prairies d’herbe grasse, certaines fauchées, d’autres non. Pas de randonneurs ni d’habitations sur ce chemin non balisé. Des paysages façonnés par l’homme et l’élevage extensif, mais qui profitent à certains passereaux des milieux ouverts comme les chardonnerets, les linottes, ou encore les pies-grièches. J’en capte une au moment de son envol.

Nous n’avons pas marché 10 minutes que soudain, sur notre droite, nous apercevons un renard dans les hautes herbes. Il ne nous a pas vus ! Par chance le chien non plus… Nous nous arrêtons pour l’observer, mais j’ai un mal fou à faire une mise au point correcte sur sa tête dans cette végétation.

Il faudrait qu’il sorte de la prairie… Ce qu’il fait ! Pour pour notre plus grand bonheur, le voilà qui débarque à quelques mètres devant nous, sur le chemin. Nous sommes totalement à découvert, mais il ne nous a toujours pas captés. Il suffirait qu’il regarde dans notre direction pour nous voir… Ce qu’il finit par faire, me permettant de lui tirer un beau portrait spontané !

Après 2 secondes à nous regarder – le temps qu’il comprenne qu’il se trouve face à des humains – il s’enfuit dans la direction opposée, mais en trottinant davantage qu’en galopant.

Très heureux de cette rencontre imprévue (en plein milieu de l’après-midi !), nous allons voir un peu plus loin, prenons le thé puis rebroussons chemin. Il est désormais 17h50. Nous repassons à l’endroit où nous avions vu le renard une heure plus tôt. Il n’y a personne. Mais 300 mètres plus loin, j’aperçois quelque chose qui bouge, dans une autre prairie non encore fauchée. C’est un renard ! Le même ou un autre ? Difficile à dire…

Encore un adulte en tout cas. Cette fois, il nous capte assez rapidement, en raison de notre orientation par rapport au vent. Je parviens tout de même à faire 2-3 photos, hélas, quelque peu gâchées par les fils de la clôture !

Deux rencontres imprévues dans la même après-midi… En voilà une promenade bien bénie !

Le lendemain, à peu près à la même, nous refaisons une balade mais dans un autre secteur. Le chemin nous mène dans une forêt (assez rare dans cette région dominée par les vaches et les pâturages !) où nous avons la surprise de tomber sur un bébé campagnol, quelque peu déboussolé. Pas commun !

Il est 17h30 quand nous sortons de la forêt. Nous repassons à côté d’une grande prairie où un tracteur vient juste de passer pour aérer le foin. Il est encore tôt et on n’est pas venus pour faire un affût. Nous n’en aurons pas besoin ! Voilà qu’un renard trottine tranquillement sur un autre chemin que le nôtre, à 300 mètres. Il semble avoir la gueule pleine de petits rongeurs.

Un adulte, qui aide son jeune à se nourrir ! Les deux canidés retournent ensuite dans la prairie. Je tente une petite approche, mais il n’y a nulle part où me cacher. Tant pis, je me contente d’une photo de loin cette fois – après la chance d’hier, on ne va pas trop en redemander !

Morbihan

Cinq jours plus tard, le 19 juillet, nous voilà rendus à 600km de là, en Bretagne, où nous passons une semaine de congés dans un tout peut hameau situé dans un coin de campagne très vert, humide et bucolique.

Le soir de notre arrivée, il nous démange d’aller explorer un peu les environs. Nous trouvons un petit circuit qui nous fait passer par champs et bois, mais c’est seulement à la toute fin de la balade, alors que nous revenons dans le hameau, que nous apercevons notre premier chevreuil. Il semble intrigué par quelque chose qui vient de la forêt, et dans ma tête je me dis « il va sortir un renard ou quelque chose, c’est sûr ! ». J’avais déjà expérimenté ce genre de comportement chez les chevreuils auparavant (> lire l’histoire « la flamme rousse du 1er confinement« ). Les renards ne sont pas des prédateurs des chevreuils, comme peuvent l’être les lynx et les loups, mais ils s’en méfient quand même.

Quelques instants plus tard, alors que le chevreuil s’éloigne, un renard sort effectivement dans la prairie. Il est loin, il se fait tard, nous ne chercherons pas à l’approcher davantage. Nous rentrerons heureux de nous savoir bien entourés dans ce coin de paradis breton !

Nous ne referons pas de balade du soir dans ce secteur champêtre avant plusieurs jours, préférant nous rendre en bord d’océan où nous nous régalerons d’observer des oiseaux que l’on n’a pas l’habitude de voir dans la Drôme (spatules, avocettes, goélands, etc.).

Arrive la journée du mercredi 24 juillet. Ce soir, il nous prend d’envie d’aller explorer un sentier de randonnée, dans le village, qui nous fait de l’œil à chaque fois que nous passons devant en voiture. Arrivé 21h, nous descendons le petit chemin qui serpente d’abord dans un bois, qui traverse des prairies en une longue ligne droite. Le chemin est bordé par des arbres qui font guise de long tunnel, avec des ouvertures par-ci par-là sur les prairies – pratique pour avancer et observer de façon dissimulée !

Après 20 bonnes minutes de marche, il nous faut attendre de passer devant une grande ferme avant d’apercevoir un peu de vie : un jeune renard en vadrouille !

300mm – f/4 – 1/320s – iso 1250 © Oeil Sauvage / Richard Holding

Il semble être seul. Je tente quelques photos de loin, en espérant qu’il ait la bonne idée de s’approcher de nous, mais non, il disparaît dans le bosquet. Mais en jetant un rapide coup d’œil sur la carte, je remarque que notre chemin va justement traverser ce bosquet, et qu’avec un peu de chance, nous pourrons le recroiser un peu plus loin.

Nous avançons donc le plus silencieusement possible, et effectivement, une centaine de mètres plus loin, sur notre gauche, revoilà le renardeau !

300mm – f/4 – 1/640s – iso 1600 © Oeil Sauvage / Richard Holding

Sa curiosité est plus forte que lui ; il a senti une présence étrangère, et plutôt que de s’enfuir, il décide au contraire de s’avancer de quelques pas en notre direction. Il ne doit pas trop comprendre ce qu’on est, vu qu’on est dans l’obscurité, à moitié masqués par la végétation.

300mm – f/4 – 1/640s – iso 3200 © Oeil Sauvage / Richard Holding

C’est la rencontre rêvée ! J’ai tout le temps pour soigner ma composition, en utilisant la végétation du premier plan. C’est tout l’avantage de la billebaude par rapport à l’affût ; en billebaude, on peut se déplacer d’un pas ou deux pour que le cadrage change de tout au tout, alors qu’à l’affût, on est beaucoup moins libre de ses mouvements.

300mm – f/4 – 1/1600s – iso 5000 © Oeil Sauvage / Richard Holding

Petit renard restera ainsi pendant près d’une minute, puis décidera qu’il en a vu assez. A aucun moment il ne verra notre Goupil, trop petit pour voir au-dessus des fougères !

Sur le chemin du retour, nous surprenons deux ragondins sur un cours d’eau, puis à la toute fin de la promenade, alors qu’il fait presque nuit noire, grosse surprise venue du fond des bois : sur le chemin devant nous, deux petits animaux sombres que nous avons d’abords pris pour les chats. Mais non, ce sont des martres !! L’un d’entre eux, dans sa fuite, fera une petite pause pour nous jauger, juste le temps de me permettre de faire une photo souvenir, dans des conditions de lumière très compliquées pour mon boîtier.

300mm – f/4 – 1/160s – iso 25600 © Oeil Sauvage / Richard Holding

Quelle soirée extraordinaire ! Au lieu des renards, j’aurais tout aussi bien pu faire une histoire sur les martres observées ces dernières semaines (5 observations différentes !) mais malheureusement toutes mes photos, ou presque, sont ratées !

Deux-Sèvres

Remis de nos émotions, nous voilà quelques jours plus tard à la campagne plus aride au sud des Deux-Sèvres, un endroit très reculé où j’avais eu la chance de passer le premier confinement au printemps 2020 (en compagnie, outre de Maître Renard, de 51 espèces d’oiseaux sauvages dont des huppes fasciées et des busards Saint-Martin !)

Les journées sont très chaudes en ce début août 2024. J’attends donc le début de soirée avant d’aller me promener pour revisiter avec un brin de nostalgie quelque uns de mes « spots » porte-chance.

300mm – f/4 – 1/60s – iso 1250 © Oeil Sauvage / Richard Holding

Je croise de beaux chevreuils (c’est la période du rut !), quelques rares oiseaux (notamment la chouette chevêche), puis enfin, la petite flamme rousse dans la même zone où je l’avais photographiée, il y a maintenant 4 ans !

300mm – f/4 – 1/1200s – iso 5000 © Oeil Sauvage / Richard Holding

Impossible de savoir si c’est le même… C’est assez peu probable, sachant qu’un renard à l’état sauvage a une très faible espérance de vie en France (merci les chasseurs…), mais je suis heureux de savoir qu’il y a toujours de la vie, ici, et que l’endroit semble bien plaire à ces petits prédateurs !

J’arrête l’histoire ici, déjà bien assez longue, en vous souhaitant comme moi de croiser la route de ces magnifiques animaux qui mériteraient vraiment d’être protégés, comme ils le sont depuis longtemps en Belgique, au Royaume-Uni ou encore dans la canton de Genève.

Longue vie au goupil !

Pour aller plus loin

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Les émotions ça se partage !

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