Trois Renards du soir

On les dit fourbes et rusés ; moi je les trouve simplement beaux à admirer ! Et pour espérer en observer en plein jour sans se faire remarquer, c’est plutôt au photographe de filouter… On peut pister le Goupil nuit et jour, mais on peut aussi simplement « tomber » dessus comme il m’est arrivé plusieurs fois de le faire ; c’est ce que j’appelle la photographie d’opportunité ! Et c’est tout l’objet de cette histoire : vous raconter les coulisses de quelques rencontres fortuites, réalisées sans préparation particulière.

Le goupil des étangs

21h, le 19 juillet 2021, dans la Drôme. Je décide d’aller faire un tour à un observatoire ornithologique construit au bord d’une ancienne gravière. L’été il y a rarement grande activité, mais on ne sait jamais ; pour être heureux, il me suffirait du bref passage d’un héron pourpré ou d’un butor étoilé ! Aucun des deux ce soir-là, mais une belle flopée de harles bièvres et un Martin-pêcheur qui a eu la bonne idée de se poser tout près.

Puis cette masse rousse, qui apparut des fourrés sans crier gare ! Un jeune renard de l’année certainement, avec sa tête fine et sa fourrure impeccable. Il ne restera pas bien longtemps, juste le temps pour moi de figer cette brève apparition.

Les quelques photos dans la boîte, j’ai ensuite déclenché le mode vidéo pour suivre quelques secondes le renard repartir dans les herbes hautes. Une fois disparu, j’ai attendu quelques minutes qu’il réapparaisse, mais en vain.

La renarde des foins

21h encore, mais deux mois plus tôt, et déjà dans la Drôme. C’est la saison des foins, et il se trouve qu’il y a un champ fraîchement fauché dans la vallée, à 5mn derrière ma maison. Il fait bon et beau, et je sais que j’augmente mes chances de croiser le chemin de Goupil en sortant à cette heure-là, si tant est que je marche discrètement et à bon vent. J’ai aussi l’avantage d’être caché par la rangée d’arbres entre le chemin et le champ, et qu’il y a plusieurs trouées d’où je peux regarder. Et la chance est bel et bien de mon côté, car je ne mets pas longtemps à voir un renard !

Etant sur le chemin, et ne voulant pas le déranger, je perds en visibilité à mesure qu’il passe derrière la rangée d’arbres. Mais il s’arrête un court moment pour renifler, et c’est à ce moment que je trouve une petite ouverture.

Je refais la même promenade 4 jours plus tard, à la même heure. L’ayant déjà repéré ici, je sais à peu près où me tenir, pour l’observer sans le déranger. Ou plutôt LA déranger, car c’est une renarde, et cette fois elle se trouve plus proche du chemin :

Ces deux soirées m’ont apporté bien du bonheur, mais ce n’était rien comparé à ce que j’allais vivre le 2 juin 2021, à quelques kilomètres de là.

8 minutes de magie sauvage

Il n’est que 19h11, ce soir-là, et je suis sorti simplement pour faire un peu de repérage en vue d’un prochain affût aux renards. La zone que je prospecte est assez peu fréquentée par les humains, et malgré l’ouverture de la chasse d’été, j’ai bon espoir de trouver un coin d’observation tranquille.

Je marche sans bruit, l’appareil photo à la main, sur un chemin forestier qui contourne à un moment donné une belle prairie. Je suis dans mes pensées quand j’arrive à hauteur de l’éclaircie. Je m’arrête net : il y a un renard là-bas !

Je n’y étais pas du tout préparé, je ne pensais pas que Goupil serait déjà de sortie… Je m’agenouille donc en urgence pour éviter d’être repéré. Le foin ici a déjà été coupé et mis en bottes, le renard est donc très à découvert. A cette saison, il est fort possible qu’une famille de renardeaux affamés attend sa pitance non loin de là, et que les parents doivent sortir plus tôt que d’habitude pour chasser.

Car oui, ce renard ne prend pas juste l’air ; il est clairement en chasse, zigzaguant ci-et-là dans le champ, et se figeant de temps en temps pour bondir sur une proie. Je profite pleinement du spectacle, mais ne suis pas du tout bien camouflé et n’ose bouger d’un cheveu. Je me contente de rester silencieux, « caché » derrière l’appareil photo.

Les minutes passent, et pour mon plus grand bonheur, le renard semble s’approcher de plus en plus dans ma direction. A plusieurs reprises, j’ai l’impression qu’il m’a repéré, puisqu’il regarde dans ma direction. Mais non, il semble trop concentré sur sa chasse !

Je parviens à faire toute une rafale de photos au moment où il trotte nonchalamment vers moi. Là il va forcément me voir ! Mais non, il continue sa chasse, s’arrête tout près, guette les petits cris aigus des campagnols tout en se montrant sous son plus beau profil.

Il n’est qu’à 20 mètres de moi désormais, et j’ai tout le loisir d’observer son magnifique pelage qui, à ma grande surprise, est à dominance noire. On le nomme le renard roux, mais sa robe est en réalité d’un joli multicolore, avec du beige, du blanc, du gris, de l’orange et du charbon. Comment peut-on oser tirer sur un si bel animal ? Cela me dépassera toujours…

Il est 19h19, et ce Goupil s’approche encore plus près de moi, semblant me fixer droit dans les yeux ! Je n’en reviens pas… Est-il apprivoisé ? Non, je pense simplement qu’il n’a pas compris que j’étais un humain, vu ma posture assise, le visage caché par l’objectif, et le vent qui m’est favorable.

Mais il s’approche encore. Maintenant, c’est sûr il va me sentir. Et effectivement, en un éclair le voilà qui déguerpit dans le bois. J’aurais évidemment préféré pouvoir partir sur la pointe des pieds, mais impossible : vue sa proximité, le moindre mouvement de ma part aurait provoqué sa fuite !

Cette expérience incroyable est l’un des moments les plus forts que j’ai eu la chance de vivre en pleine nature avec un renard, même si rien ne dépassera la féérie de la rencontre avec les renardeaux de la forêt enchantée dans l’Eure, en mai 2018 !

Les émotions ça se partage !

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