Au premier jour de l’hiver, le 21 décembre 2024, j’ai profité de l’absence de vent pour tenter d’aller écouter, voire observer, le couple de hiboux grands ducs qui habite tout près de chez moi, ici dans la Drôme. Voilà trois ans maintenant que je suis ces immenses rapaces, depuis que j’ai découvert, tout à fait par hasard, qu’on était voisins.
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Des voisins que j’entends souvent, mais que je vois rarement… Leur vaste territoire rend leurs mouvements imprévisibles, et le soir tombé, il est très difficile de savoir d’où ils vont donner de la voix, d’où ils vont sortir, et quel perchoir ils vont choisir avant de partir en chasse.
J’ai tout de même identifié un secteur, sur les hauteurs du vallon – une coupe forestière récente où subsistent quelques arbres isolés sur lesquels ils semblent aimer parfois se poser. Il y a un arbre en particulier, une branche même, sur lequel j’ai déjà vu l’un des hiboux se poster, à deux reprises.
Jamais deux sans trois, dit-on ! Pour mettre toutes les chances de mon côté, j’ai donc décidé d’aménager un petit affût de fortune à une cinquantaine de mètres de l’arbre. Après deux ou trois séances qui n’ont strictement rien donné, un soir, alors que je m’apprêtais à repartir, j’ai eu la joie d’entendre le couple converser, sur ma droite, puis surtout l’immense bonheur de voir la femelle venir se poser dans l’arbre, sur ma gauche, à la quasi-tombée de la nuit. C’est là que je me suis rendu compte que j’avais mal installé mon affût, car sa branche préférée était dissimulée derrière d’autres branches !
La photo que j’ai pu faire ce soir-là est malgré tout assez originale, les branches se mêlant aux plumes du rapace, comme s’il était une sorte de prolongement de l’arbre !
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Cette soirée avait été magique, dans l’ensemble, puisque j’avais aussi pu assister à un sublime lever de lune, au-dessus des montagnes du Vercors.
Les fois d’après, j’ai décidé d’installer mon affût à un angle différent, d’abord pour avoir moins de branches parasites devant le hibou, mais aussi pour tenter de cadrer quelques lumières de la ville de Crest, en arrière-plan. Pour un sujet aussi crépusculaire, ce genre d’ambiance peut être très féérique !
Après quelques affûts qui m’ont laissé bredouille, la chance fut enfin de mon côté en cette fin de journée la plus courte de l’année. De la chance mêlée à une bonne part de surprise…
Je suis arrivé une bonne heure avant le coucher de soleil, pour avoir le temps de me faire oublier et de bien me fondre dans le décor végétal. En attendant l’arrivée éventuelle des géants nocturnes, je fais passer le temps en photographiant un superbe pinson des arbres, au moment où il décolle de sa branche, dans une magnifique lumière dorée.
Quelques minutes plus tôt, au même endroit, c’est un petit groupe d’une dizaine de pipits (des arbres, je présume) qui s’était posé dans ces mêmes branches, des passereaux qui semblent passer l’hiver ici, car je les vois à chacun de mes affûts. Je suis ici chez eux !
Le petit groupe se trouve maintenant dans l’arbre du grand duc. Tout à coup, l’un d’entre eux pousse un cri d’alerte et en une fraction de seconde, les voilà qui s’envolent dans toutes les directions. J’ai tout de suite pensé qu’un animal ou qu’humain les avait dérangés. C’est alors que je vois arriver, de plus bas, un rapace assez imposant, mais beaucoup plus fin qu’un hibou. Epervier, buse, autour des palombes ? Non : c’est un faucon pèlerin ! Il se pose dans l’arbre…
L’oeil toujours collé au viseur, je reste assis, dissimulé derrière mon boitier et je n’ose bouger d’un sourcil, conscient de la préciosité du moment. Comme il fait encore bien jour, je suppose que je vais vite me faire repérer par le rapace, mais non, il ne semble pas me voir, ou alors ma présence l’indiffère… Je comprends qu’il s’agit certainement d’un jeune de l’année, pas très attentif ni dégourdi, car il n’arrête pas de bouger la tête, à scruter maladroitement autour de lui, et il ne semble pas très déterminé pour savoir où aller… 10 minutes passent… 20 minutes… 30 ! Le faucon est toujours posté sur sa branche et je n’ai toujours pas osé bouger d’un poil. Quelle chance de pouvoir l’observer aussi longtemps !
C’est alors qu’au loin, sur ma droite, j’entends le grand duc mâle donner de la voix. Je ne peux pas imaginer une seule seconde que l’un de ces immenses volatiles vienne se poster ce soir à 2 mètres du faucon… De fait, aucun hibou ne s’approchera ce soir-là. En revanche, pendant près d’une heure, j’admirerai ce superbe pèlerin, et ce jusqu’à la tombée de la nuit et l’apparition des lumières de la ville !
Même si, malheureusement, le faucon ne se posera pas précisément sur la branche préférée des grands ducs, avec l’arrière-fond dont je rêvais, j’aurai tout de même la possibilité de faire rentrer quelques lumières dans mon cadrage.
Surtout, en une heure d’observation depuis la même cachette, j’ai pu prendre la « même » photo du faucon dans trois lumières tout à fait différentes. Je ne sais pas vous, mais en comparant ces trois images, je pense que cela valait largement la peine que je patiente jusqu’à la tombée de la nuit ! Et nuit noire il faisait, quasiment, lorsque le faucon se décida à partir plus loin… Passera-t-il lui aussi l’hiver dans ce vallon sauvage ? Suspense !
D’autres pèlerins en vadrouille
Avant cette séance d’affût, dans la grande famille des faucons, j’avais déjà pu réaliser de belles photos du faucon crécerelle, du faucon hobereau, mais jamais vraiment du faucon pèlerin. Du moins, pas comme je l’aurais souhaité.
Les quelques observations que j’ai pu faire de cet oiseau réputé le plus rapide du monde étaient plutôt fugaces, toujours en vol, l’oiseau assez éloigné dans le ciel.
Ma première belle observation de ce rapace remonte à mars 2017, en Normandie, où j’avais appris qu’un couple nichait sur les falaises blanches au cœur des boucles de la Seine. Je suis juste parvenu à immortaliser le vol de l’un d’entre eux, sur fond de ciel bleu, après une chasse réussie au pigeon !
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